Retour sur la Rencontre avec Lucie FELIX

Cette Rencontre a eu lieu le 17 novembre 2022, à EAUBONNE (Val-d’Oise).

Dès l’abord, Lucie FELIX séduit son auditoire par la simplicité et la clarté de son propos, et par sa sympathie déclarée pour les acteurs de Lire et faire lire.

Et c’est tout de suite son enfance qu’elle évoque, des jeux , de la liberté, de l’immersion dans la nature, à l’orée de son village natal jurassien. Des moments intenses qui marquent une vie, un destin, des couleurs qui ne peuvent s’éteindre.

Lac de Narlay

Et puis vient la découverte des contradictions du monde : les arbres que l’homme abat, et ceux que l’homme plante ; la pédagogie aux deux visages, violente en classe, mais merveilleuse en plein air air où l’on cultive l’art du dessin, où l’on découvre les milieux naturels, les animaux des bois, les tendres œufs dans les nids. Avec des prolongements, des initiations à la céramique, aux émaux. Dans la vie, trier, corriger, compenser.

De cet univers, il faudra pourtant s’affranchir pour se former : aux sciences de la nature au Museum de Paris, puis aux arts graphiques à l’Ecole supérieure d’Epinal. Quand on maîtrise la réalité, on peut s’échapper dans la création.

Et tout de suite après, c’est l’entrée en littérature jeunesse, un vrai choix de vie.

Deux maîtres vont jouer un rôle décisif : le designer japonais Katsumi KOMAGATA, et l’architecte-plasticien italien Bruno MUNARI. Du premier, elle retient la capacité à capter l’attention, avec ses triptyques en noir et blanc; à nourrir des expériences sensorielles, avec ses livres qui se déplient:

Par les œuvres du second, elle se sent fascinée, car Bruno MUNARI a le génie de susciter la curiosité amusée, avec ses livres-objets, son sens du mouvement et sa créativité:

Côté français, elle admire Hervé TULLET, qui se joue des pleins, des vides et des couleurs:

Son « choix de vie » se fonde sur un principe intangible : elle écrit et crée POUR et AVEC les enfants. Comme pour conjurer définitivement les méchantes pratiques pédagogiques. Elle fait naître ses livres d’une interaction avec les très jeunes, qu’elle rencontre au sein des ateliers qu’elle anime ici ou là, jusqu’au Japon, et où elle déploie une attention passionnée à leurs réactions, leurs émois, leurs quêtes.

Un objectif principal : amener les enfants à vouloir explorer le monde par eux-mêmes. Et des moyens : des livres et aussi des installations où les enfants partent à la recherche de choses cachées, prétexte à la découverte de soi.

Ainsi Lucie FELIX est-elle toujours dans une démarche active et expérimentale.

Pour l’amour des arbres et du bois, elle crée des livres qui ressemblent parfois à de lourds coffrets ou des empilements de boites, tablettes ou planchettes. Dedans, il y a des surprises, des pièces à déplacer, des cartons à tourner, des écrans à intercaler, des cartons à plier ou redresser.

Le livre est un objet qui doit être solide, manipulable, malléable et transformable. Cet élément bizarre et généreux doit faire jaillir des étincelles de vie.

Le Nid

Mais son livre n’est pas qu’un objet ! il est aussi son propre environnement, car il se prolonge dans d’autres objets matériels donnés à manipuler : par exemple des œufs fragiles que l’enfant protège dans ses paumes, passe sur son visage. Le livre s’insinue dans les gestes de l’enfant, dans ses sourires, dans ses regards. Il se révèle alors comme un objet magique, animant l’enfant dans sa bulle et ses jeux. Des choses mystérieuses se passent, dont l’autrice-actrice décèle l’existence, sans pour autant vouloir en percer la nature exacte.

Lucie Félix constate l’effet mais se garde de l’idéaliser.

Pour elle, un livre est un ensemble de pages ou d’objets reliés, qui se tournent, disent parfois tout et son contraire, font rentrer en soi et dans le même temps introduisent au monde.

Une « chose » simple, ardente et généreuse, à l’image de sa créatrice.

Le livre de Lucie Félix que nous avons choisi pour notre bibliothèque, et que les adhérents de Lire95 pourront emprunter, est un conte, intitulé Le Bûcheron, le Roi et la Fusée.

Son éditeur, Les Grandes Personnes, le présente en ces termes :

On y parle du sens de la vie, de sa place dans le monde à travers la lutte contre l’arbitraire et de la question très actuelle de la préservation de l’environnement. La compréhension du récit passe par la manipulation des formes et leur transformation qui a valeur de symbole, le donjon du roi-tyran devient fusée, sa couronne, maison dans la forêt… Ce livre offre différents niveaux de lecture, du plus-petit qui suivra l’histoire du bûcheron au plus grand qui sera capable de saisir les problématiques abordées.

Christine Lepot, François Carcassonne, pour Lire95.

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