Catégorie : Retour sur une Rencontre

Nos retours sur une rencontre avec un pro de la littérature jeunesse (autrement appelés « retours sur image »)

Retour sur Image : Delphine Chedru, autrice et illustratrice

RETOUR SUR NOTRE RENCONTRE DU  10 DECEMBRE 2020

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Delphine CHEDRU, c’est d’abord un sourire quasi permanent, un rire communicatif. Elle nous a précisé qu’elle travaille en atelier, en compagnie de confrères avec lesquels elle partage souvent des idées, elle échange des conseils (sauf sur le choix des couleurs !).

Dès le début de son intervention, sa voix claire et limpide a capté notre attention, et elle nous a fait découvrir ses influences :

  • Son aïeule a été un facteur déterminant : « Petite, j’attendais avec impatience le cérémonial de la lecture des « Histoires comme ça » de KIPLING, institué par ma grand-mère paternelle. Lectrice de talent, sa voix m’a légué le goût de l’image, du texte, de la poésie et de l’absurde… » ; 
  • Paul Emile VICTOR avec « Apoutsiak »
  • Maurice SENDAK : « Max et les Maximonstres » ; 
  • Elia et Enzo MARI, éditeurs italiens de « L’œuf et la poule » ; 
  • « Les contes du chat perché » de Marcel AYME ;

Et Eugène IONESCO, et Chihiro IWASAKI  pour son illustration de « Mon oiseau est revenu » de Maurice COCAGNAC…

Delphine CHEDRU nous a confié qu’elle n’a pas conservé ses jouets de jeunesse ; mais elle a gardé ses livres d’enfant.

Son parcours professionnel commence par le graphisme. Le dessin va suivre, puis l’écriture elle-même. Pour elle, le dessin et le texte sont indissociables, sans doute parce qu’elle était douée pour les deux matières (elle avait été tentée par des études en Hypokhâgne). Ses albums sont toujours construits autour d’un thème ou d’une idée qui vont la conduire à une histoire.

Puis le dessin prend forme. Ou plutôt les dessins. Car il y a toujours plusieurs tentatives, parfois de nombreuses esquisses, avant de parvenir à l’illustration définitive, celle qu’elle va retenir pour son ouvrage. Ainsi, pour la couverture de « L’Arbrier », il y a eu une quarantaine d’essais. 

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Ses divers éditeurs l’obligent à diversifier les modèles de ses dessins. Elle puise alors son inspiration dans les choses simples de la vie : un emballage-papier ou le dessin d’un papier-peint sur un mur peuvent l’inspirer, et susciter une idée d’illustration. Le choix des couleurs est primordial. A partir d’une gamme précise et limitée, elle va procéder à des coupages, des mélanges qui la conduisent au but recherché. Ainsi, le blanc de « Nuit polaire » ou de « Jour de neige » n’est pas un blanc ordinaire, une simple transposition : c’est le résultat d’une recherche, d’un tâtonnement et de nuances insoupçonnées. 

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Pareillement, « Quand tu dors », « Bonjour, au revoir », « La princesse attaque » et d’autres titres sont remplis de tonalités de bleu, noir, jaune, gris ou rouge.

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Dans le texte lui-même, il y a une recherche de la musicalité, de l’harmonie des sons contenus dans la phrase, comme dans « Papa, maman » : l’ensemble doit être agréable à l’oreille.  

Il y a aussi les livres-jeux, principalement destinés à faire participer les enfants, à mettre en place l’interactivité : jeux visuels dans « Paul a dit », jeux narratifs (choisir un bon chemin), jeux gestuels (remplir des trous dans le carton du livre), jeux de règles (suivre un chemin avec le doigt). 

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Au fil des minutes, nous avons découvert une autrice qui aime profondément ce qu’elle fait. Même si elle affirme que ses ouvrages sont également destinés aux adultes, les enfants sont au centre de son œuvre : 

  • Dans ses lectures aux enfants, elle aime constater les réactions positives, même chez les tout-petits qui ne comprennent pas tout, mais qu’elle fait rêver et qu’elle laisse imaginer, et qui devinent peut-être le parcours de l’abeille dans « Bzzz » ;
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  • Elle conserve les mots inconnus pour eux dont il faut parfois expliquer le sens, comme le faisait sa grand-mère ;
  • La lecture n’est pas forcément relayée par un adulte : l’enfant peut essayer de feuilleter, de déchiffrer les dessins sans connaître le texte.

 Son travail est resté artisanal même si elle utilise un ordinateur, et il n’interfère pas dans sa vie privée. 

En définitive, nous avons été subjugués par Delphine Chenu, à la fois créatrice imaginative, poétesse, exigeante et conteuse de talent : sa lecture d’un extrait de « Bzzz » était très évocatrice et réaliste.

            Elle nous a confié avoir conservé ses livres de jeunesse. Après son exposé, nous sommes persuadés qu’elle a aussi gardé son âme d’enfant.

  • Maurice COCAGNAC : Aumôniercatéchiste de l’École alsacienne et très apprécié par les enfants, il publie aussi pour eux une quarantaine de petits livres illustrés – « les Albums de l’Arc-en ciel », de 1963 à 1968, puis « les Contes du hibou » et « la Rivière enchantée ». Dès 1964, il fait appel à d’autres artistes (Jacques Le Scanff, Alain Le Foll, Bernard Gibert, Chantal Biso-Masnou) pour illustrer ses albums pour enfants ; après 1970, il sollicitera le concours de conteurs et de peintres japonais pour réaliser d’autres livres encore plus originaux. (Source : Wikipedia)

Retour sur Image : Clémence Pollet, illustratrice

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RETOUR SUR NOTRE RENCONTRE DU 10 NOVEMBRE 2020

Clémence POLLET est née dans une famille où on lisait des histoires aux enfants le soir. Ses parents ont favorisé son goût inné pour le dessin quand, petite, elle faisait des croquis sur ses carnets de voyage. Plus tard elle a eu la chance de faire de longues études artistiques, sept ans entre l’Ecole Estienne et les Arts décoratifs de STRASBOURG.

Au départ, elle avait des références très classiques, comme celle de Claude PONTI. Et puis, dans le grand Est, elle a appris le monotype et aussi la sérigraphie, qui utilise peu de couleurs mais dont les contraintes rendent les images plus fortes. Dans l’Est, elle a découvert les jeux populaires imprimés du début du XXème siècle, et les animaux sérigraphiés du Bestiaire du Gange, de Rambharos Jha. Et elle s’est laissée inspirer par Romance, de Blexbolex.

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Et  puis au fil de ses séjours Erasmus en Italie et de ses voyages (Petra…), elle a découvert in situ les maîtres du Trecento et de la Renaissance, comme Fra Angelico, Gozzoli et Giotto, et ressenti une succession de chocs esthétiques, par exemple à la chapelle des Scrovegni de Padoue. Son univers en a été bouleversé.

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Il en sortira… Soupe de maman (Rouergue, 2011).

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En 2007, elle obtient son diplôme de l’Ecole Estienne avec un travail sur Candide. Au Concours de Bologne de cette même année – où elle présente des images en collage – elle se sent inexplicablement attirée par les planches de l’Encyclopédie et aussi par les illustrations tant de  John TENNIEL que de Nicole CLAVELOUX pour Alice au pays des merveilles, modèles qu’elle revisitera plus tard pour Stéphane MICHAKA.

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En 2006, au Salon du livre de Montreuil, la découverte de deux albums : Amourons-nous, de Geert DE KOCKERE et Sabren CLEMENT, et Papa se met en quatre, d’Hélène RIFFS, lui insufflent de nouvelles certitudes : « l’album de jeunesse est un terrain de jeu incroyable non seulement pour dessiner, mais pour expérimenter, et par conséquent il est fait pour tous les âges ».

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Ses techniques et procédés sont des choix très personnels : ainsi de la gravure en taille-douce sur plaques de cuivre et de zinc, dont elle nous explique amoureusement le procédé ; ainsi de la linogravure, plus laborieuse mais qui lui permet de se jouer des aplats. 

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Ce procédé, qui semble simpliste, n’a-t-il pas été celui des grands Fauves, Bonnard, Vuillard, Vallotton, Gauguin, et, très pragmatiquement, n’est-il pas adapté pour Clémence POLLET qui confesse ne pas savoir jouer avec la lumière ?

Le premier album sera L’Ebouriffée (texte d’Hélène VIGNAL, prix du premier album, Montreuil 2009) : un inventaire des objets enfouis dans la chevelure d’une petite fille. 

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Accueillie en résidence à Troyes pour le Salon régional du livre pour la jeunesse 2010, Clémence POLLET y rencontre avec les éditions Hongfei Cultures, ce qui lui inspirera quatre livres : Confucius, Mulan, L’Auberge des ânes et la Langue des oiseaux. 

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Le travail préparatoire est immense : voyage à Taïwan, étude approfondie des manuscrits illustrés, visites d’expositions et de musées spécialisés. 

Pour L’Auberge des ânes, Clémence POLLET s’inspire des illustrations très anciennes de l’épopée de la dynastie des TANG, avec leurs incroyables compositions de couleurs aussi vives que celles des fresques du Quattrocento ! Un rouleau chinois lui inspirera certaines pages de Confucius, qui apparaîtront en accordéon.

L’histoire de Mulan, connue universellement grâce au dessin animé de DISNEY (1998),  est une  légende médiévale très importante pour les Chinois, qui a été traduite par CHUN-LIANG YEH. HongFei Cultures ayant demandé à Clémence POLLET de réaliser des estampes par linogravure, celle-ci va travailler en tons directs, avec un nombre limité de couleurs, afin de rendre l’illustration plus efficace du fait même de l’économie des moyens, sans contradiction avec la complexité des contenus.

Quel contraste avec Le maître des neiges, tiré d’un conte bouddhiste,  (novembre 2020 – texte d’Isabelle GARCIA-CHOPIN) ! Des illustrations au pinceau, une explosion de couleurs, un nouveau départ peut-être.

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Un autre signe de l’attachement à l’Extrême-Orient est un conte chinois sur le thème des « bons amis » : Croc Croc la carotte (texte de Fang YIQUN et Véronique MASSENOT). 

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Ce dernier album marque l’intérêt récurrent de Clémence POLLET pour la figure animale ( dérivée peut-être de sa dilection très personnelle pour le lapin…). Ainsi peut-on remarquer la présence constante d’une fourmi dans La Traversée, tandis qu’ Animal Totem (texte d’Agnès Domergue) propose des portraits d’animaux symboliques au prix d’une distorsion des systèmes écriture/image qui fonctionnent en pratique à la fois ensemble et séparément.

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Les héroïnes contemporaines, des petites filles en l’occurrence, sont également un thème important. Elles apparaissent dans des albums comme Dans mon petit jardin (texte de Lena MAJOR), dans La Tresse (roman de Laetitia Colombani), et dans le livre que Clémence POLLET signale à notre attention parce qu’il est l’un de ses préférés : La Nuit parfois je rêve (texte de Stéphanie DEMASSE-POTTIER), où l’illustratrice a condensé l’imaginaire d’une petite fille dans ses rêves les plus farfelus.              

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Autres figures importantes, celles de l’acrobate et des gens du cirque.

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Récemment, Clémence POLLET est retournée au Salon de Troyes dont elle a créé l’affiche 2021. 

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Au total, ce sont déjà trente livres que Clémence POLLET a déjà réalisés sur commandes d’éditeurs. Toujours illustratrice et jamais autrice, elle nous dit aimer les mots des autres. Et ainsi fait-elle de son mieux, au moyen d’un travail de préparation approfondi, pour que des images pertinentes les accompagnent. 

C’est un vrai plaisir, voire une grâce, d’illustrer Voltaire, Gabriel Garcia Marquez, Albert Cohen… d’illustrer toutes sortes de contes et légendes, par exemple des contes détournés comme Le Petit chaperon bleu (texte de Guia Risari) ou Loup un jour (texte de Céline Claire).

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En 2020, pendant le Premier confinement, elle a beaucoup revisité les vases grecs, les bas-reliefs médiévaux et les représentations 1900 pour pouvoir créer des illustrations de héros grecs.  

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Pour plus tard, des projets ont germé. Tac Tic mécanique, une exposition interactive, mènera à un roman graphique. 

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Les recommandations de Clémence POLLET :

A lire :

  • L’Homme à la fourrure, d’Anne SIMON et Catherine SAUVAT
  • Nos vacances, de Bernard GRANGER, alias BLEXBOLEX
  • Building Stories, de Chris WARE

A connaître, des illustratrices :

  • Annabel BUXTON (Pop-up Lune, On danse)
  • Sandrine THOMMEN (Choses petites et merveilleuses)

De notre Rencontre avec Clémence POLLET, nous garderons les mots suivants :

sensibilité      culture      curiosité        attention aux autres      

émerveillements italiens        fascination pour l’Orient       

 goût pour la matière et les couleurs       passion pour les techniques

Les secrets de Nathalie Infante

Certains d’entre nous ont eu le plaisir de découvrir les œuvres graphiques de Nathalie Infante lors de leur exposition à l’Hôtel-de-Ville de Paris en décembre 2019. Ainsi nous avons vu le regard poétique qu’elle porte sur les villes, Paris, Royan, New-York. De la légèreté, de la vivacité et une sorte d’allégresse inventent des promenades où l’on côtoie des animaux, des plantes et toutes sortes de gens, vivants, heureux ; un univers très personnel où l’on détecte des détails subtils qui interrogent doucement : arbres-fleurs, feuilles-oiseaux, lunes octogonales…

Nathalie Infante nous a révélé des secrets ce jeudi 8 octobre 2020. Le premier, c’est qu’elle n’est pas une autrice de littérature-jeunesse. Elle n’écrit de textes ni n’illustre de livres à destination d’aucune tranche d’âge. Ce qu’elle produit, elle le fait pour elle-même, au gré de son inventivité, comme une éternelle enfant. Ensuite, si elle parvient à se relire comme on se lit, elle obtient la preuve que les enfants pourront le faire aussi, quel que soit leur niveau de vocabulaire. Elle nous confie donc que sauf pour des commandes – comme le récit « Rendez- vous à New-York » de Thierry Dancourt, qu’elle a édité* et illustré – elle invente le texte à partir de l’image, ou plutôt des couleurs qu’elle insère entre les tracés de ses dessins, au moyen de sa palette graphique.

Comme dans une aquarelle, les couleurs se mettent alors à infuser en elle, et cela peut prendre des semaines ou des mois. Puis les mots, le sujet, émergent de ces surfaces trempées et, pour ainsi dire, en découlent. Un moi profond décide du sujet, de l’histoire et des images qui vont la conter. Des fourmis, des chats, des souris , des éléphants même, s’élancent. Des ambiances se créent, de la fantaisie circule, le monde se destructure et inaugure des moments de fête. Il faut que ça circule, que ça bouge, que ça soit animé ; et Nathalie tâte d’ailleurs un peu de la technique de l’animation. N’est-elle pas une profonde admiratrice de Walt Disney, de Cyril Pedrosa, de Pierre Le Tan, de Miroslav Sasek ?

Et il y a toujours le trait, très présent, très structuré, armature qui borde, gère, solidifie l’incroyable. Le monde fantastique ne porte jamais ici à une distorsion du réel. Il est cadré par un crayon solide. Nathalie Infante a intégré la leçon d’un Bernard Buffet, et elle navigue, telle Jean-Henri Fabre dans ses Souvenirs entomologiques, entre sa passion du réel exact et sa fascination pour l’inimaginable. Se référant à Edward Hopper, elle invite le lecteur à entrer dans un halo de mystère pour se retrouver lui-même en un reflet intérieur.

Avec un texte et des images ainsi posés, on peut, au milieu d’enfants, s’adonner au plaisir de lire à voix haute, de commenter ou d’adapter librement. Une promesse de bonheur et d’espoir en la vie est proposée par l’album ; l’enfant peut s’appuyer sur elle, laisser libre cours à son imagination, poser les questions qui le font grandir, et entrer dans le dialogue.

*Editions Marie-Louise

Les mots clés du travail de Nathalie : bestiaire / élégance / poésie / villes / joies /
comportement humain / nature / différence / tolérance / amitié / amour

Chen Hiang Jong : un artiste invité par Lire 95

RENCONTRE DU 15 OCTOBRE 2020 AVEC CHEN HIANG JONG

C’est en ami que Chen vient à notre rencontre, pour nous remercier d’accompagner ses livres, et pour que se partagent nos curiosités et nos expériences si diverses.

Son enfance

Il revient sur l’enfant qu’il fut, doté d’une détermination sans faille, d’une parfaite capacité d’apprentissage et d’un besoin irrépressible de dessiner sans relâche du matin au soir, 365 jours par an… Versant lumineux : l’amour intense de sa mère et de ses grands-parents, l’adrénaline du travail, et, au plus profond,  une force assimilée, venue de nulle part, véritable cadeau du Ciel. Comme chez Victor Hugo, « une force qui va ».

Malgré obstacles et inquiétudes maternelles, et en échange d’un travail en usine de deux ans, le brillant élève intègre  les Beaux-Arts de Tien-Tsin, puis de Pékin (1984). Un échange universitaire l’amène à Paris. Il peint, expose*, gagne sa vie. Il rencontre Zao Wou-Ki et Zhu Xiao-Mei**. Puis il débute sa carrière d’illustrateur sur un texte de Lisa Bresner*** et d’auteur-illustrateur avec La légende du cerf-volant(1997). Il fallait écrire pour répondre à une forte pression interne, exprimer le tourment et la joie de qui  s’est séparé d’une mère, la Chine, pour en trouver une autre, la France.

Tous ses personnages vont alors fonctionner selon un schéma personnel : enfants sans parents, mais doués de force, qui traversent des difficultés et déplacent des montagnes. L’historique prend la main en dépit d’intentions initiales plus aimables et distrayantes. Et avec les années, c’est de plus en plus fort, avec ce sentiment d’être mû par un Destin, une spiritualité. « C’est une magie ».  

Quel sens à tout cela ?

« Il faut montrer la beauté, la force, les couleurs, les valeurs de la vie, prendre  cette liberté de donner tout cela aux enfants. C’est aussi vivre « une mission de transmission et de témoignage ».Car en racontant une histoire à un enfant, on l’enracine dans sa culture, et dans la culture du monde en général.  « Quand on a ça, on existe ; on peut construire quelque chose pour les autres, cela donne un sens à sa vie. »

Et la Chine ?

En dehors des commandes qu’il reçoit, notamment pour illustrer des contes de divers pays et dans lesquelles il s’investit avec bonheur en se documentant et en voyageant, c’est vers la Chine qu’il se tourne spontanément pour puiser son inspiration. Exactement la Chine ancienne, continent culturel aujourd’hui détruit et dont il faut préserver les racines, au risque-même de le sublimer. Chen fait voyager les enfants au cœur des vieilles légendes, comme celle du Prince Tigre ou celle du Cheval magique de Han-Gan, afin de les ré-enraciner dans le terreau fertile que sont les enfants de tous pays. 

Ecoutons à nouveau :

https://youtu.be/DoruQQ2-KDI

Art ou technique ?

Chen récuse le terme d’art pour ses illustrations et préfère celui d’artisanat. Ses images sont figuratives, documentées, quasi scientifiques. Il s’agit de montrer le vrai, on a horreur du vraisemblable, de la cuisine des chinoiseries.

« Chaque page est un tableau, chaque tableau est un livre ». L’enfant se complaira dans les détails, les taches qui révèlent un monde, les trois traits qui sont un univers. En cet enfant un espace de vie s’insinuera, meublant le vide, avec le noir, qui balance avec le blanc, ying et yang, le rouge, couleur de la fête, et toutes les autres couleurs qu’on aime sans savoir pourquoi. Un cadeau du Ciel renouvelé…

La  philosophie d’un franco-chinois :

Apprendre des autres tout en restant soi-même et en respectant le grand pays qui vous a adopté. Opter pour le multiculturel. Ne rien oublier. Mais « peindre le blanc », passer dans une autre dimension. Admettre qu’il existe des forces supérieures positives qui nous orientent. Rester curieux et dans l’émerveillement.

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Notes

        *  Galerie Taménaga, du 9 au 29 octobre 2020 ; 18 avenue Matignon, Paris 8ème .

** Zhu Xiao-Mei : cette pianiste internationale a publié La rivière et son secret (Des camps de Mao à Jean-Sébastien Bach, l’itinéraire d’une femme d’exception). 

*** Lisa Bresner : écrivaine et sinologue ; a publié Foming et le trésor des mers, Père Castor/Flammarion, 1999 ; Le Bouvier et la Tisserande, École des Loisirs, 2000 ; Un cheval blanc n’est pas un cheval, L’Ecole des Loisirs, 2001.