Catégorie : Retour sur une Rencontre

Nos retours sur une rencontre avec un pro de la littérature jeunesse (autrement appelés « retours sur image »)

Le retour sur image de notre Rencontre avec Véronique MASSENOT le 12 octobre 2021.

Quelle belle découverte en cette rentrée 2021 !

Si une autrice-illustratrice se sent fondamentalement une écrivaine, c’est bien Véronique Massenot: or elle est talentueuse dans les deux registres.

Elle a construit son destin très jeune, a grandi dans les livres, a fait germer son projet d’écriture quasi secrètement, entrant même dans des études d’histoire de l’art pour ne pas effrayer l’entourage. 

Ecrire, cela fut pour elle une évidence, peut-être une délivrance. Au début, elle invente pour sa fille nouveau-né, un tout premier livre en tissu, et, juste après, elle se lance dans un vrai livre pour tous les âges : Lettres à une disparue, texte plein d’amour, de crainte, et jamais de haine malgré le contexte d’inhumanité. Véronique a opté pour le réchauffement des cœurs.

      Ecrire, pour elle, c’est être lue, on n’écrit pas pour soi.

Il a fallu se faire connaître des éditeurs, ces chefs d’orchestre, ou chefs de cuisine dit-elle malicieusement. Elle cite : L’Elan vert, la Boite à bulles, Ricochet, Hong-Fei…    

Certains lui ont accordé leur totale confiance en lui donnant carte blanche pour réécrire des contes venus d’ailleurs. Ils savaient qu’elle respecterait l’original : haute gastronomie…

Il a fallu nouer des liens durables avec des illustrateurs. D’eux on attend beaucoup, « qu’ils fassent grandir mes textes ». Elle cite : Bruno Pilorget, Joanna Boillat, Clémence Pollet, Marcelino Truong, et d’autres.

      Ecrire, c’est s’adresser aux enfants, aux jeunes, d’abord, essentiellement ;  ce qu’on écrit à l’enfant est plus simple et s’écoule plus fluide. Tous les enfants du monde, d’Amérique, d’Afrique, d’Asie, sont les mêmes, ils ont besoin de rêver, et les auteurs sont là pour les satisfaire. Des titres font surface : Pierrot croqueur de mots, Devinettes, Brille encore soleil d’or, Croc croc la carotte…

      Le travail est là avant toute écriture, la documentation qu’il faut étudier, la structure des histoires qu’il faut bâtir (et souvent plusieurs en même temps), les fins qu’il faut imaginer avant tout car elles sont le trésor que l’on recherche sans le savoir tout en lisant.

Quand le long travail de gestation est fait, une maternité s’accomplit, l’écriture jaillit et le livre se réalise; et il parle : l’autrice se le lit à voix haute, le mot redevient son.

Véronique est une musicienne-née. Et puis elle a cultivé sa voix dans des chœurs.

Ce qui fait son succès auprès des enfants, c’est qu’elle a d’abord mis en musique une idée d’histoire et ensuite qu’elle a tous les outils du langage pour en écrire la partition.

Et parfois, des dessins, des couleurs, toujours destinés à quelqu’un, comme dans cet art postal où elle excelle.

Véronique Massenot, une personne pleine de curiosité et toute dans un partage « sans frontières ». Optimiste, quoique lucide, elle garde l’espoir d’une réconciliation, d’un avenir meilleur.

C’est peut-être le secret de sa vitalité, apprendre sans trêve, et savoir être pleinement à soi pour mieux se donner aux enfants. Merci mille fois !

Un beau matin avec les éditions du Jasmin pour la rentrée de Lire et faire lire.

                               Saad BOURI à la Journée départementale des bénévoles 2021

           Des romans jeunesse, des albums, des contes (premiers contes ou contes d’Orient et d’Occident), de la poésie, de la littérature, des biographies, des récits de voyages, … un mélange des cultures du monde entier. On se demande de quel domaine les « Editions du Jasmin » sont absentes.
Créée en 1997, cette maison d’édition a régulièrement prospéré. Son catalogue actuel, d’une richesse et d’une diversité remarquables, atteste de l’attrait qu’elle exerce sur le monde de l’écriture, surtout jeunesse : un foisonnement d’ouvrages qui parait illimité et susceptible d’embarrasser le lecteur potentiel à la recherche d’un livre.
  Le 21 septembre dernier, Saad Bouri, son fondateur et directeur, invité par Lire95, est venu à Pierrelaye dans le cadre de la Journée départementale de « Lire et faire lire » pour présenter son projet initial. Il a retracé l’historique des « Editions du Jasmin », et notamment le désir initial de réaliser des ouvrages bilingues français-arabe. Il en a profité pour disséquer, décrypter plusieurs ouvrages qui lui semblaient sans doute les plus intéressants.

Il a présenté ses collections :

  •  une galerie d’albums éclectique, dont : « Papa-barque », et « Les Autres », au dessin fortement coloré et qui encourage l’élan vers l’autre ; on aurait aimé connaître le contenu de bien d’autres titres mais il fallait faire des choix.
  • des ouvrages de poésie : « Une tasse de temps qui passe », » L’arbre essoufflé de vent », « Main dans la main avec ma maison » …aux titres évocateurs et empreints d’émotion.
  • quelques romans jeunesse, « Jasmin Littérature », dont le motif de la page de couverture est toujours le même, et « Signes de vie » qui retrace des biographies romancées.

Son intervention a duré presque deux heures. On aurait souhaité prolonger l’entrevue tellement son discours était passionnant. Dans sa bouche, chaque texte prenait une dimension insoupçonnée, surtout quand, pour exciter notre curiosité, il se gardait bien de dévoiler la fin d’un ouvrage.

Chaque livre abordait un sujet qui lui tenait à cœur et qu’il exposait sur un ton captivant, où transparaissait un mélange de clarté, de simplicité et de sincérité révélateur d’un parcours éditorial indépendant, né d’un projet circonscrit, mais fondé sur une idée sérieuse qui aboutit à un foisonnement de publications très variées

En parallèle l’auditoire a saisi, à travers ces évocations, toute l’abnégation et le courage dont il a dû faire preuve pour mener à bien son entreprise.

       « Il y a les gens que tu aimes, ceux qui entreront dans ta vie, et tous les autres.

                        Ceux que tu ne connais pas encore, ceux que tu croiseras. »                                

(Extrait de Les Autres, Orianne Lallemand et Servane Havette ; Editions du Jasmin, 2011)

André

Retour sur Image : Delphine Chedru, autrice et illustratrice

RETOUR SUR NOTRE RENCONTRE DU  10 DECEMBRE 2020

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Delphine CHEDRU, c’est d’abord un sourire quasi permanent, un rire communicatif. Elle nous a précisé qu’elle travaille en atelier, en compagnie de confrères avec lesquels elle partage souvent des idées, elle échange des conseils (sauf sur le choix des couleurs !).

Dès le début de son intervention, sa voix claire et limpide a capté notre attention, et elle nous a fait découvrir ses influences :

  • Son aïeule a été un facteur déterminant : « Petite, j’attendais avec impatience le cérémonial de la lecture des « Histoires comme ça » de KIPLING, institué par ma grand-mère paternelle. Lectrice de talent, sa voix m’a légué le goût de l’image, du texte, de la poésie et de l’absurde… » ; 
  • Paul Emile VICTOR avec « Apoutsiak »
  • Maurice SENDAK : « Max et les Maximonstres » ; 
  • Elia et Enzo MARI, éditeurs italiens de « L’œuf et la poule » ; 
  • « Les contes du chat perché » de Marcel AYME ;

Et Eugène IONESCO, et Chihiro IWASAKI  pour son illustration de « Mon oiseau est revenu » de Maurice COCAGNAC…

Delphine CHEDRU nous a confié qu’elle n’a pas conservé ses jouets de jeunesse ; mais elle a gardé ses livres d’enfant.

Son parcours professionnel commence par le graphisme. Le dessin va suivre, puis l’écriture elle-même. Pour elle, le dessin et le texte sont indissociables, sans doute parce qu’elle était douée pour les deux matières (elle avait été tentée par des études en Hypokhâgne). Ses albums sont toujours construits autour d’un thème ou d’une idée qui vont la conduire à une histoire.

Puis le dessin prend forme. Ou plutôt les dessins. Car il y a toujours plusieurs tentatives, parfois de nombreuses esquisses, avant de parvenir à l’illustration définitive, celle qu’elle va retenir pour son ouvrage. Ainsi, pour la couverture de « L’Arbrier », il y a eu une quarantaine d’essais. 

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Ses divers éditeurs l’obligent à diversifier les modèles de ses dessins. Elle puise alors son inspiration dans les choses simples de la vie : un emballage-papier ou le dessin d’un papier-peint sur un mur peuvent l’inspirer, et susciter une idée d’illustration. Le choix des couleurs est primordial. A partir d’une gamme précise et limitée, elle va procéder à des coupages, des mélanges qui la conduisent au but recherché. Ainsi, le blanc de « Nuit polaire » ou de « Jour de neige » n’est pas un blanc ordinaire, une simple transposition : c’est le résultat d’une recherche, d’un tâtonnement et de nuances insoupçonnées. 

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Pareillement, « Quand tu dors », « Bonjour, au revoir », « La princesse attaque » et d’autres titres sont remplis de tonalités de bleu, noir, jaune, gris ou rouge.

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Dans le texte lui-même, il y a une recherche de la musicalité, de l’harmonie des sons contenus dans la phrase, comme dans « Papa, maman » : l’ensemble doit être agréable à l’oreille.  

Il y a aussi les livres-jeux, principalement destinés à faire participer les enfants, à mettre en place l’interactivité : jeux visuels dans « Paul a dit », jeux narratifs (choisir un bon chemin), jeux gestuels (remplir des trous dans le carton du livre), jeux de règles (suivre un chemin avec le doigt). 

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Au fil des minutes, nous avons découvert une autrice qui aime profondément ce qu’elle fait. Même si elle affirme que ses ouvrages sont également destinés aux adultes, les enfants sont au centre de son œuvre : 

  • Dans ses lectures aux enfants, elle aime constater les réactions positives, même chez les tout-petits qui ne comprennent pas tout, mais qu’elle fait rêver et qu’elle laisse imaginer, et qui devinent peut-être le parcours de l’abeille dans « Bzzz » ;
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  • Elle conserve les mots inconnus pour eux dont il faut parfois expliquer le sens, comme le faisait sa grand-mère ;
  • La lecture n’est pas forcément relayée par un adulte : l’enfant peut essayer de feuilleter, de déchiffrer les dessins sans connaître le texte.

 Son travail est resté artisanal même si elle utilise un ordinateur, et il n’interfère pas dans sa vie privée. 

En définitive, nous avons été subjugués par Delphine Chenu, à la fois créatrice imaginative, poétesse, exigeante et conteuse de talent : sa lecture d’un extrait de « Bzzz » était très évocatrice et réaliste.

            Elle nous a confié avoir conservé ses livres de jeunesse. Après son exposé, nous sommes persuadés qu’elle a aussi gardé son âme d’enfant.

  • Maurice COCAGNAC : Aumôniercatéchiste de l’École alsacienne et très apprécié par les enfants, il publie aussi pour eux une quarantaine de petits livres illustrés – « les Albums de l’Arc-en ciel », de 1963 à 1968, puis « les Contes du hibou » et « la Rivière enchantée ». Dès 1964, il fait appel à d’autres artistes (Jacques Le Scanff, Alain Le Foll, Bernard Gibert, Chantal Biso-Masnou) pour illustrer ses albums pour enfants ; après 1970, il sollicitera le concours de conteurs et de peintres japonais pour réaliser d’autres livres encore plus originaux. (Source : Wikipedia)

Retour sur Image : Clémence Pollet, illustratrice

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RETOUR SUR NOTRE RENCONTRE DU 10 NOVEMBRE 2020

Clémence POLLET est née dans une famille où on lisait des histoires aux enfants le soir. Ses parents ont favorisé son goût inné pour le dessin quand, petite, elle faisait des croquis sur ses carnets de voyage. Plus tard elle a eu la chance de faire de longues études artistiques, sept ans entre l’Ecole Estienne et les Arts décoratifs de STRASBOURG.

Au départ, elle avait des références très classiques, comme celle de Claude PONTI. Et puis, dans le grand Est, elle a appris le monotype et aussi la sérigraphie, qui utilise peu de couleurs mais dont les contraintes rendent les images plus fortes. Dans l’Est, elle a découvert les jeux populaires imprimés du début du XXème siècle, et les animaux sérigraphiés du Bestiaire du Gange, de Rambharos Jha. Et elle s’est laissée inspirer par Romance, de Blexbolex.

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Et  puis au fil de ses séjours Erasmus en Italie et de ses voyages (Petra…), elle a découvert in situ les maîtres du Trecento et de la Renaissance, comme Fra Angelico, Gozzoli et Giotto, et ressenti une succession de chocs esthétiques, par exemple à la chapelle des Scrovegni de Padoue. Son univers en a été bouleversé.