Catégorie : Retour sur une Rencontre

Nos retours sur une rencontre avec un pro de la littérature jeunesse (autrement appelés « retours sur image »)

Retour sur une rencontre avec les éditions OBRIART le 14 octobre 2025

En nous contant la naissance des éditions OBRIART, Cyprienne KEMP nous a mis sous les yeux un récit qui sort des sentiers battus. En effet, cette passionnée d’arts plastiques, qui se définit comme une artiste du livre, avait au départ la volonté de créer de très beaux objets et qui sont devenus principalement des livres, des livres d’artistes. Puis l’année 2014 a été un tournant. Cette année-là Cyprienne a pris celui de la littérature jeunesse, en pensant que ce domaine permettrait à ses créations de prendre leur essor, de trouver leur public. Et c’est ainsi qu’elle est devenue éditrice pour « impulser et pour transmettre ».

Avec quels contributeurs ?

Plutôt que de miser sur un objectif de  la rentabilité à court et moyen  terme, elle a fait le pari, assez risqué, de choisir des personnalités assorties à ses propres choix esthétiques et éthiques. Ainsi a-t-elle « repéré » Cécile Metzger, qui a une identité visuelle à fort impact.

« Un enfant trouve un fil jaune sur le sol. Curieux, il décide de voir où il le mène. Pour vivre son aventure, il devra surmonter sa peur de l’inconnu. Il découvrira des paysages somptueux peuplés d’animaux et au bout de son voyage, une belle surprise l’attend…« 

Et elle a opté en parallèle pour l’édition de livres étrangers par achats de droits, donnant à la maison OBRIART une envergure internationale.

En voici deux exemples :

un premier album jeunesse de l’auteur-illustrateur anglais Owen Gent.

« L’enfant au parc  imagine plein de choses tandis que le parent est absorbé par son téléphone.       l’album fait l’apologie des rêves tout en rappelant aux parents qu’il est important de partager du temps avec son enfant. Cet album est un appel à lever les yeux et à être présent.« 

Et aussi

Encore un premier album, celui d’une étudiante tchèque, créé en 3 mois, et qui a reçu le prix du meilleur livre silencieux (Silent Book Contest 2022).  

Quels objectifs ?

C’est principalement de « montrer la diversité pour pouvoir faire accepter la différence ».

Cet objectif se décline à travers des partis-pris « écologiques » :

  • Impression en Europe afin de maîtriser les circuits de fabrication.
  • Refus du pilon pour les invendus au profit de la vente à bas coût.
  • Limitation du nombre d’éditions par an (7 au plus)
  • Edition de livres engagés afin de rendre les enfants actifs dans leurs lectures ;

Ainsi La jeune institutrice et le grand serpent :

emmène-t-elle les jeunes lecteurs au cœur de la forêt amazonienne de Colombie et vers une merveilleuse légende encore bien vivante. Un livre qui est un vibrant hommage à Irène Vasco, inlassable diffuseuse de livres dans les zones les plus reculées.  Cet album a été sélectionné pour le Prix UNICEF Littérature jeunesse 2025 sur le thème « Grandir dans un monde durable, ça n’attend pas ! »

Quelles réalisations ?

A ce jour, Obriart a 13 albums jeunesse à son catalogue, s’est engagé dans une collection pour les tout-petits (Trotrodile), une autre pour donner envie de lire (J’ai pas le temps), une collection « mythologique », une édition dite du Château pour s’émerveiller, et des BD expérimentales.

7 titres ont été primés, dont

Fermez la porte (Prix de l’album surréaliste au salon du livre de Bruxelles 2024, et Prix Nénuphar  2025).

Comment travaille-t-on chez OBRIART ?

La modestie de l’équipe éditoriale amène à travailler directement avec les « artistes ».

Ainsi Un ours mal léché  a-t-il fait l’objet d’un travail en commun éditrice-autrice pour le format de couverture, les illustrations et pour le texte de conclusion.

Qu’est-ce qu’un livre pour OBRIART ?

« L’histoire commence dès qu’on a le livre en main car  le livre est un objet complet », dont les mots-clefs sont : découverte, familiarisation, décoration, jeu, amitié, confort, émerveillement, enthousiasme…

(collection trotrodile)

Cyprienne Kemp nous a présenté aussi

Moea a des rêves plein la tête, de Mino Rivo et Claire Thibon

Moea est une petite fille très imaginative dont l’esprit est rempli d’histoires fantastiques. Seulement cette riche imagination ne l’aide pas à se concentrer à l’école. Heureusement que Monsieur Coq a une solution ! Il lui montera que de sa différence Moea peut faire quelque chose de positif.

Les voyages de Marino, de Cecilia Cavallini

Marino aime bien aider autrui. Alors il a inventé une machine à distribuer la pluie.

Et un livre sur le thème : « que peut-on faire à notre hauteur ? »

Ma grand-mère, de Maria Elina :

« Ma grand-mère est une histoire tendre et émouvante qui parle de la perte de mémoire et des confusions souvent associées à la vieillesse ; sur la façon dont nous percevons ces changements et la capacité des enfants à recevoir avec amour et avec joie les choses que la vie leur réserve. La question de la perte de la mémoire n’est jamais exposée comme un problème, c’est d’avantage la formidable complicité entre la grand-mère et son petit enfant qui est ici mise en valeur.« 

 Puis Cyprienne elle nous a parlé de deux BD silencieuses (expérimentales) :

où il est question d’un changement de genre et

où comment les expériences peuvent vous rendre humain

Cyprienne Kemp a conclu avec une évocation de

La petite Fabrik

Montée avec Claire Gouelleu, autrice et metteuse en voix, qui va faire des lectures au cœur des cités, des points de deal, de lieux d’enfermement, des musées, la Petite Fabrik agit pour rendre le livre familier, au moyen de la création de livres-objets et d’actions culturelles et artistiques accessibles à tous.tes.

https://www.instagram.com/clairegouelleu/p/C1wTxI3ovOh

Un tel programme dévoile le rôle de l’éditeur au cœur de la cité. Et ce n’est pas le moindre mérite de la maison OBRIART.

Voici les retours de l’équipe Lire95:

Une démarche originale !

Un esprit d’entreprise très développé, visionnaire également, exigeante, sûre de ses choix; le nombre de ses publications annuelles, très restreint, et leur qualité, attestent d’une rigueur et d’un sérieux très profonds.

Les ouvrages choisis sont artistiques, choisis pour le thème, mais aussi ou surtout pour leur beauté ! On ressent la formation professionnelle de l’ intervenante.

Les livres présentés sont originaux, divers et choisis avec beaucoup d’intelligence et d’éthique.

Les livres sont magnifiques.

Une démarche originale !

Un esprit d’entreprise très développé, visionnaire également, exigeante, sûre de ses choix; le nombre de ses publications annuelles, très restreint, et leur qualité, attestent d’une rigueur et d’un sérieux très profonds.


Pour notre bibliothèque associative, nous avons acquis

L’ascenseur doit descendre, mais, bizarrement, il monte. Qui l’a appelé ? Est-il cassé ? Six voisins se rencontrent dans ce qui paraît être une routine éphémère, mais qui révèle bientôt de vieilles histoires et de nouvelles amitiés. Tous les voyages nous transforment, même un voyage en ascenseur. Bonus Un deuxième petit album est à découvrir dans une enveloppe qui est collée sur la troisième couverture de l’album. (Notice de l’éditeur)

Merci, Cyprienne Kemp, de nous avoir régalés avec toute votre production dont l’effet positif sur les enfants est incontestable.

Retour sur une rencontre avec Isabelle SIMLER le 13 mai 2025

Isabelle Simler est une dessinatrice-née, qui a étudié aux Arts décoratifs de Strasbourg, puis travaillé dans la publicité, la presse, le dessin animé et enfin l’illustration-jeunesse.

Sa rencontre avec les éditions Courtes et longues a été déterminante. Leur fondateur et directeur, Jean Poderos, lui-même ancien éditeur de livres d’art et auteur, a su nouer avec elle une profonde relation de confiance. Cette volonté partagée de qualité et d’esthétique, et la liberté d’exploration qu’elle peut développer lui permettent de mener à terme des créations qui sont, pour la plupart, de son initiative propre.

Pour elle, suivre ses envies est un chemin vital. Et le statut d’autrice-illustratrice lui offre un épanouissement complet.

Isabelle a toujours rêvé et elle a été émerveillée par les êtres vivants, tout ce qui peuple la nature, végétaux et animaux. Au-delà de les voir de très près, elle aspire à s’immerger dans leur univers et se glisser dans un monde de prédilection.

La création d’un album est précédée d’une solide documentation scientifique. C’est la connaissance approfondie d’un animal ou d’un végétal qui fera le dessin exact et le texte adéquat. Et vu les nombreux animaux et végétaux de ses livres, les recherches préalables occupent un temps supérieur à celui de l’écriture et du dessin.

Ainsi, pour concevoir Doux rêveurs (2017), qui traite du sommeil des animaux, elle a d’abord rencontré une vétérinaire spécialisée dans ce domaine.

Pour Royaumes minuscules (2021), qui convoque les insectes sociaux, elle a collaboré avec une ingénieure spécialisée dans l’environnement, Anne Jankéliovitch.

Isabelle Simler veut aller plus loin que Buffon dans ses « Histoires naturelles ». Son empathie veut faire émerger la part sensible et la poésie des créatures qu’elle met en scène. Aussi elle observe longuement leurs déplacements, leurs quêtes, leurs cycles, quitte à visionner des films au ralenti. Et elle traduit en paroles et en dessins leurs mouvements qui, mieux que des profils, sont leur carte d’identité.

Sa manière de faire est quasi primesautière au départ puis elle se fait industrieuse. Elle suit son inspiration, fait des rencontres aussi inattendues que fructueuses. Ses nombreux ateliers créatifs pour enfants l’ont menée jusqu’en Chine.

Elle utilise des outils variés, tantôt des crayons de couleurs, tantôt une palette graphique avec pour objectif de capter la lumière et l’attention. Il faut faire très fin, très précis, car le petit peuple de la nature est un infini de délicatesse et de fragilité. Mais elle va jusqu’au bout, sans se décourager, et retravaille ses épreuves jusqu’au dernier instant.

Les idées lui viennent souvent quand elle est seule et sans occupation, dans un train par exemple ; ou quand elle se remémore des rêves ou des observations. Mais le plus souvent l’idée vient lorsqu’elle se met à écrire ou à dessiner, comme si ces gestes étaient eux-mêmes des outils créatifs.

Pour expliquer le processus aux enfants qui la questionnent, elle a réalisé un album : Les idées sont de drôles de bestioles (2021), qui a remporté le Grand Prix de l’Illustration à Moulins en 2022.

Elle y a utilisé des métaphores animales qui montrent le côté polymorphe des idées.

Puis elle nous a présenté d’autres albums.

Ainsi, Plume (2012).

Né de l’idée très simple de dessiner des plumes, l’album s’enrichit comme par hasard d’un adorable chat, puis d’oiseaux, et il devient un imagier dans lequel on se promène pour le simple plaisir de la visite. Isabelle a voulu s’amuser à y varier les styles, tantôt dessinant des plumes très

« naturalistes », tantôt des oiseaux complètement stylisés. Elle a animé la balade en faisant se déplacer le chat, au grand plaisir des enfants qui le suivent dans ses détours AU LIEU DE s’intéresser aux sujets principaux. Cet album « participatif » fait beaucoup parler, échanger et sourire.

Ensuite elle nous a montré Heure bleue (2015) :

Elle a choisi d’inscrire le récit dans ce moment si particulier de transition où le jour baisse tandis que la nuit monte. L’idée était de rendre palpable les variations de la lumière et son nuancier de bleus. Des animaux bleus se sont invités : les « grands luisants » qui sont des escargots. Et puis des bêtes fictionnelles parce qu’on est dans le rêve éveillé. Des paysages. Et enfin la lune, magique.

Ensuite elle est passée à Vertige (2020):

Créé pendant le confinement, cet album montre comme il est possible, lorsqu’on ne peut pas aller bien loin, de cheminer dans un univers bien réel mais tout petit et qui est là comme disponible à nos pieds. Un monde bien réel, fascinant, étonnant, parfois inquiétant. L’héroïne est une coccinelle qui se met en quête d’un nid sûr où pondre ses œufs et qui rencontre toutes variétés d’insectes dédaignés ou redoutés : sauterelle, ombonie épineuse, phasme-bâton, araignée-crabe…Isabelle a voulu jouer avec les couleurs et les formes. Et nous en mettre plein la vue.

En 2022, un nouvel album est apparu : Maison,

Dans ce livre écrit à la première personne, elle s’est imaginée dans les projets de 27 animaux qui se construisent des habitats étonnants : un orang-outan, qui se refait un lit de feuilles chaque soir, une mésange couturière qui capitonne son nid douillet, des grenouilles qui secrètent et font monter en neige une écume qui leur sert de cachette secrète, un oiseau-jardinier satiné qui décore de fleurs bleues sa tonnelle, une araignée aquatique qui loge dans une bulle d’air immergée, etc.

Vivant (2024) est un livre où le texte sensible et épuré de Stéphane Servant va très profond dans l’intime.

On y parle des âges de la vie, avec de belles envolées. Isabelle en a tiré des images toutes en longueur comme pour pouvoir creuser. Et au final l’album est d’une forme étonnante et se lit dans tous les sens. Mais la vie n’est-elle pas souvent inattendue et déroutante ?

Extrait : Déjà vivant, je ne suis encore qu’une petite graine de pissenlit, légère et fragile. Comme un chat, je découvre le monde à tâtons. Et un matin, plus tard, beaucoup plus tard, je déploie mes ailes et quitte le nid…

Et pourquoi ne pas faire une promenade onirique avec des animaux disparus depuis longtemps ? C’ possible avec Carnet lointain (2024) :

Quand un album est terminé, tous les croquis préparatoires sont archivés et oubliés, et Isabelle pense que c’est dommage. Aussi a-t-elle voulu créer un livre qui les restitue parce que les esquisses ont la fraîcheur et la spontanéité des choses qui viennent de naître. Cela a donné D’après nature (2019).

Avec Dans les poches (2015), elle a voulu montrer des choses qui aiguisent la curiosité, des objets intrigants qui révèlent la personnalité ou le métier de ceux qui les ont ainsi mis de côté. Et elle n’a pas hésité à les nommer car les mots rares sont des matières vivantes à ne pas négliger.

Son dernier ouvrage de septembre 2025 : c’est l’illustration d’Alice au pays des merveilles (sur le texte original de Lewis Carroll).

Ce travail lui aura pris plus d’un an. Car le texte est complexe et paradoxal. En même temps, il est savoureux et inspirant. Alice incarne l’enfance. Et dans ce miroir, Isabelle a peut-être réalisé son autoportrait.

Curieuse, inventive, enthousiaste, Isabelle Simler a capté son auditoire de lecteurs bénévoles et d’amis de la littérature jeunesse. Nous apprécions des œuvres touchantes de grâce et de respect pour les créatures vivantes. Nous voyons que le travail d’Isabelle sert magnifiquement la grande cause de la défense de la nature à laquelle les enfants sont spontanément attachés. Qu’elle soit ici remerciée pour ce moment de partage dans la rencontre.

Pour notre bibliothèque associative, nous avons acquis

Avec cet album plein d’humour, immense hommage à tous ces héros de notre enfance, on redécouvre les contes les plus célèbres par une porte d’entrée, originale et intime. On joue à deviner le propriétaire de tous ces petits objets. Isabelle Simler déploie toujours une poésie sans limites, et nous fait découvrir les véritables personnalités de nos personnages de contes favoris (notice de l’éditeur).

Retour sur une rencontre avec Malika DORAY le 1er avril 2025

Le cheminement de Malika DORAY vers le livre jeunesse a été sinueux. Après des études d’histoire et d’ethnologie et une année passée en Angleterre elle souhaitait  devenir scénographe d’expositions. Logiquement, elle est entrée à l’Ecole nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art (Olivier de Serres). Mais là elle a connu les difficultés de quelqu’un qui a envie d’apprendre à dessiner dans une école qui enseigne à des dessinateurs déjà accomplis. Surmontant sa déception, elle retirera de l’expérience des compétences solides en matière de conception de projets. Et, plus tard, dans son for intérieur, elle comprendra un peu ce que peuvent ressentir des enfants en échec scolaire. 

Fille d’un psychanalyste et psychiatre, elle se souvient que son père appréciait et citait avec autant de sérieux Marx ou Freud ou Janosch, le célèbre auteur-illustrateur allemand :

Travaillant auprès de tout-petits pour des activités d’éveil, elle se lance dans des créations diverses, et elle, qui ne sait pas dessiner les humains, qui n’est pas du tout « Beaux-Arts », qui ne connait pas grand-chose à la couleur, va utiliser le peu de de vocabulaire graphique qu’elle connaît pour illustrer des textes aux formulations mélodiques, souvent répétitives comme un chapelet de formules réconfortantes.

 « Je t’aime même quand je ne suis pas là »

Elle nous lit  Je t’aime tous les jours, qui en 2006 fut son troisième album:

L’enfant tout-petit est le moteur et le partenaire  de son travail. Car elle observe les petits lecteurs, qui interviennent sur l’objet, en ouvrant un livre de telle façon, en manipulant un tapis ou un doudou chacun à sa manière. Ainsi les enfants sont-ils, pour ainsi-dire, les co-créateurs d’une œuvre partagée.

SES TECHNIQUES, SES GOUTS, SON STYLE.

On discerne « les arts appliqués » dans sa façon de dessiner avec une expressivité qui vient du traitement de la forme et non des aplats, de la couleur ou de la perspective. Il y a une certaine virtuosité à créer un album au moyen de 8 faces de cubes ! A déployer des tas de bisous en mélangeant la tendresse et la mathématique ! A créer des ribambelles où chaque animal est à la fois pareil (la même forme) et différent de son voisin ! 

Pour elle, une image, c’est une dose d’émotion, une dose de couleur, une dose de calcul.

C’est un plaisir incroyable  pour elle de jouer avec les motifs. Quand à force de répétition, comme, dit-elle, « un hamster dans sa roue », elle a trouvé le motif qui lui convient, de façon inattendue, c’est un vrai plaisir de le répliquer à l’infini.

Souvent, elle intègre, par collage ou copie, des imprimés chinois récupérés de la marque Petit Pan. Pourquoi ce choix ? Pas de réponse. De toute façon, le plaisir de faire s’impose à elle plus que l’introspection.

Elle se fait quasiment l’instrument des capacités motrices du petit enfant, d’où les sinuosités des contours, les répétitions, l’épaisseur d’un trait qui cerne et donne forme. Elle se fait vectrice de l’imaginaire enfantin.

Les textes, toujours très doux, sont écrits en même temps que les images sont dessinées. Elle parle d’une « rondeur texte-image » qui correspond à l’univers qu’on attribue souvent aux tout-petits. 

Et donc elle crée des albums, des tapis, des doudous,  qui sont les incarnations tangibles de ses rêves. Elle aime le beau papier épais des éditions MeMo qui protège des aléas des manipulations.

A-t-elle DES INTENTIONS, un projet ?

L’envie soutenue de partager une vision du monde est évidente, mais cela ne constitue pas un projet d’écriture ou d‘illustration. Elle raconte avec humour qu’après qu’elle eut écrit un album sur la naissance, puis un sur le mariage, un éditeur lui a demandé d’en faire un sur le divorce ! Proposition vivement rejetée, avant de s’apercevoir que tous ses albums ou presque parlent de séparation.

En réalité, pour créer quelque chose, il faut qu’elle ressente une poussée intérieure, quasiment inexplicable, de l’ordre d’une éclosion. Et elle a cette phrase tellement vraie: « Les tout-petits ont une part active dans le devenir du monde actuel,  ils participent à faire grandir le monde qui nous attend », phrase qui fait écho à celle de Saint-Exupéry : « Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants. »

Les  livres qu’elle nous a désignés comme importants à ses yeux recèlent des intentions humanistes.

Le premier cité, c’est Doris (2024), sur un texte de Coline IRWIN, une cousine, elle-même plasticienne et éducatrice de jeunes enfants.

Doris raconte le quotidien d’une dame fort âgée. Ce sujet sensible, inspirant, captive les jeunes lecteurs. Malika nous livre une anecdote bien représentative de ce qui peut arriver dans des séances de lectures. Comme Doris, cette vieille dame, tricote pour donner de quoi se vêtir à des migrants, un enfant de 4 ans s’est soudain levé pour crier : « Elle a pas le droit ! » D’où s’ensuivit un échange nécessaire et intéressant entre la médiatrice du livre et l’enfant.

Ensuite, Malika nous a présenté Ma mère est une panthère (2023).

Le premier album dans lequel elle a recommencé à dessiner des humains, qui cette fois lui plaisent. Dans ce livre, Malika aborde l’idée que les deux parents doivent assumer chacun l’entièreté des tâches d’éducation, protection, travaux ménagers, etc, au lieu de se les répartir de façon genrée.

Puis elle nous a montré Dans ce monde (2016) :

Un petit lapin nous offre un joli conte métaphorique, en passant par les différentes étapes de découvertes et d’apprentissages qui le mèneront à l’autonomie et le rendront bienfaisant pour le monde.

Et puis elle a montré Ce livre-là (2007),

qui est un pop-up à la gloire de la lecture, contenant l’évocation de onze sortes de livres, un pour rigoler, l’autre pour avoir peur, un troisième pour s’endormir, etc, etc.

et Chez les Ours (2011),

deux livres en un qui permettent au lecteur d’intervertir textes et images, de sorte que l’enfant « se crée » des saynètes étonnantes, parfois désopilantes.

Enfin, elle nous a parlé des livres d’éveil qui ont été retenus par divers départements comme des « albums de naissance »  et offerts aux jeunes parents :

Quand ils ont su (2012, offert par le Val-de-Marne),

Un câlin (2014, offert par le Lot et la Savoie),

Dans la montagne (2020, offert par l’Isère),

Pour conclure, Malika nous a montré

qui est assorti d’un jeu :

https://media.ecoledesloisirs.fr/show-bonus-jeu.php?id_bonus=17

Cet album concrétise  tous les ressorts  de sa démarche originale d’autrice-illustratrice : tirer parti de son expérience personnelle, prendre un vif plaisir au jeu des images et des mots, adorer les surprises, sortir de son confort et risquer l’autonomie. Au final, toute une création qui est un véritable éloge de l’enfance et un chemin de vie inspirant.

Nous remercions vivement Malika d’avoir partagé avec nous son expérience, ses techniques et pratiques, ses espoirs, ses idéaux et sa profonde conviction que la vie vaut d’être vécue.

Pour notre bibliothèque associative, nous avons acquis :

Le Grand Voyage des petites souris (L’école des loisirs, 2018)

Deux soeurs souris vont faire un grand voyage en laissant leur frère, pas du tout féru d’aventures, à la maison. Elles découvrent paysages et animaux magnifiques tandis que leur frère reste confortablement chez lui, jusqu’au jour où elles lui disent qu’elles vont découvrir un endroit secret…

Retour sur une rencontre avec les éditions CEPAGES le 13 mars 2025

C’est avec clarté et une belle détermination que Bénédicte Petitot, assistée de sa collaboratrice Léa Gerst, nous a présenté la maison d’éditions indépendante qu’elle a créée en 2012 à Paris, rue Mouffetard, et qu’elle dirige depuis.

Littéraire de formation, et plutôt portée sur le théâtre, Bénédicte s’est d’abord mise en quête de livres destinés à l’éducation de ses propres enfants ; puis elle s’est prise de passion pour la littérature jeunesse au point de vouloir en faire un métier. Une fois, sous le nom de Bénédicte Prats, elle a écrit un album, Le dessin de Tamana, illustré par Bertrand Dubois (notre invité en 2022 ). Par ailleurs, elle écrit des chansons, des comptines ou des contes.

L’indépendance est un défi : c’est faire ses propres choix éditoriaux : éditer des albums originaux, esthétiques, qui donnent envie du beau, du vrai, du poétique et qui transmettent le respect des autres, de la différence et de la nature. Editer, c’est faire vivre un catalogue (une soixantaine de titres à ce jour), c’est rechercher et lancer des jeunes talents : 50% du catalogue sont des premiers albums d’écrivains ou d’artistes. D’où ce souffle frais qui parcourt tous les titres.

Ce sont des engagements : ses ouvrages sont fabriqués en France à 85 %, le reste en Europe. Les techniques de fabrication sont le plus souvent traditionnelles, parfois mixtes. Les illustrateurs travaillent à la main pour leurs dessins, leurs collages, leurs peintures.

Il y a aussi chez Cépages une volonté de mettre en avant des cultures moins connues (celles de la Mauritanie, du Guatemala, de l’Afghanistan… Et d’ailleurs, de plus en plus, Cépages évolue de la fiction vers le documentaire, par exemple en intégrant des capsules informatives.

Circulons donc dans les cinq collections exposées

La collection Vert d’o :

Autrice : Catherine Laurent, une écrivaine qui a vécu 20 ans en Nouvelle-Calédonie,

Illustratrice : Bénédicte Nemo, diplômée des Arts décoratifs de Paris, née à Dakar.

Ces 7 titres pour les tout-petits ont pour vocation de  sensibiliser à la nature,  à sa protection et notamment à celle des espèces menacées.

En voici 3 exemples :

La collection Tendres feuilles, en 6 titres :

Destinée à des enfants un peu plus grands, elle se veut toute en douceur, avec ses aquarelles légères et subtiles, qui se détachent à peine d’un blanc lumineux ; avec ses collages qui occupent l’œil et la main.

Car il faut embarquer le lecteur avec prudence et délicatesse dans des albums dont les thèmes sont sensibles et parfois même épineux. 

Ainsi,   Près de mon cœur traite du cycle de la vie et ose le parallèle entre l’histoire d’une forêt et la vie d’un homme. Cœur d’artichaut parle de l’éveil des sentiments amoureux. Chrysalide met le doigt sur la troublante magie de la naissance.

Célestin, à coups de traits humoristiques, guide l’enfant vers l’acceptation des personnes dites différentes, parfois autistes. Petit radeau ouvre à la question de la solitude et des liens qui sont nécessaires pour vivre. Vieux Jules (Prix Chronos 2021 mention France-Alzheimer) favorise l’acceptation de la maladie dégénérative.

Les approches sont systématiquement métaphoriques, poétiques, enveloppantes. Elles fournissent aux lecteurs adultes, dans un contexte de lecture transgénérationnelle, des occasions d’ouvrir le dialogue sur des sujets essentiels et difficiles.

           La Collection Racines du monde, en 5 titres :

Destinée au plus de 6 ans, ces albums sont tous inspirés d’histoires vraies et illustrés par de bons connaisseurs des régions concernées. Ils sont touchants d’authenticité. Guatemala, Mauritanie, Tibet, Afghanistan : mêmes combats pour l’instruction, l’autonomie, la liberté.

           La Collection Racines du monde, en 5 titres :

Destinée au plus de 6 ans, ces albums sont tous inspirés d’histoires vraies et illustrés par de bons connaisseurs des régions concernées. Ils sont touchants d’authenticité. Guatemala, Mauritanie, Tibet, Afghanistan : mêmes combats pour l’instruction, l’autonomie, la liberté.

La collection Mes Docs:

Cette collection débutante ne contient qu’un seul titre :

Il peut être lu dès 7 ans, puis à tout âge…

L’idée est de sensibiliser aux thèmes grâce à un contenu de haut niveau artistique et culturel et grâce à des mises en pages ajustées; ici l’album construit à la verticale est découpé à bords francs pour évoquer la matérialité des constructions réelles.

Après Les Tours  viendront Les Murs

Bénédicte et Léa nous ont ensuite présenté leurs  coups de cœur :

Thèmes percutants, illustrations magistrales, c’est le secret de ces albums qui traitent souvent des rapports tissés au sein de la famille.

Les pieds sous la table,

C’est tout un pan de la vie familiale qui s’ouvre à hauteur d’enfants, les univers parallèles des adultes et des enfants, les conflits des grands et comment on fait pour s’en échapper par les rêves.

Chez Nonna,

Un vrai cauchemar au début puisque l’enfant est écrasé dans la presse à graver de sa grand-mère ! Heureusement cela vire à la félicité avec une réconciliation, porteuse d’un avenir serein.

Le grand Orchestre,

est un album de Marion Traoré, une autrice-illustratrice qui vit à Bobo-Dioulasso et travaille à partir de papiers découpés. C’est l’histoire merveilleuse d’une petite fille qui réussit à vaincre sa solitude grâce aux conseils de sa grand-mère et aux instruments de musique africains qui sont les vecteurs des éléments naturels. Album sélectionné en 2025  pour le prix des P’tits loups (de l’Essonne).

Dans tes bras,

de Marion Traoré aussi,

fait la part belle aux précieuses rêveries de tendresse  qui font glisser dans l’ensommeillement.

Paratou, un parapluie en brousse, et, Konoba, le cerf-volant :

invitent les enfants au respect des objets et à l’intérêt de les réparer. Au-delà ces albums racontent que « les objets inanimés  ont une âme ».

Il y a aussi Emile et Félix et Monsieur Chat :

albums dans lequel Stéphanie Demasse-Pottier parle de l’adoption et du souci du paraître, un thème rarement abordé.

Les titres-phares des éditions Cépages :

Bénédicte nous a cité :

Rouge Feuille  (Prix Graines de lecteurs 2018), sur le thème de l’amitié, dont le travail graphique est un des plus soignés et qui est un mix de vraies feuilles, d’aquarelles et de dessins.

Il y a aussi Le bleu du ciel, de Maylis Daufresne et Teresa Arroyo,

qui raconte comment une petite fille, conversant avec les éléments naturels, le ciel, la mer, le vent, le soleil, l’arbre, la nuit, finit par se trouver une place dans le monde. Un album qui a été sélectionné parmi les 100 plus beaux à Bologne en 2023.

Superbe aussi, Voltige (2022)

qui traite, métaphoriquement, du drame des migrants mal accueillis.

Très soigné et agréable à voir, dans la lignée des albums de Béatrix Potter (Pierre Lapin, 1902 ; Jeannot Lapin, 1904), Le cadeau d’Hugo (2018) est un joli univers où les images entrainent comme dans un film.

Maryam et Maroussia (2020), sur un texte de la romancière Anne Marie Desplat-Duc (série Les Colombes du Roi-Soleil), parle d’écologie et de solidarité tout autour de la Terre.

La peintre Elsa Oriol, à la brosse et au couteau, a illustré

Je ne t’abandonnerai jamais (2022) ,

un album très touchant qui parle de peur, de sentiment d’abandon et aussi de la force vive des arbres salvateurs.

Et dans les Nouveautés:

La Disparition (2023)

un cherche-et-trouve qui emmène les enfants à la recherche d’animaux perdus dans une jungle malmenée. Claire Hannicq, une plasticienne, réalise ici son premier album jeunesse, dessiné à l’aide de seulement 3 crayons de couleurs.

Partout au bout du monde   (2024)

est aussi le premier album d’une autrice-illustratrice sur le thème de l’effort en commun, « Partout » étant l’ordre donné aux rameurs pour lancer le bateau. Ici aussi, quel beau travail à la main !

A paraître au printemps 2025:

L’enterrement de Papigène,

ou comment conjurer la mort des êtres chers, peut-être en découvrant quelle a été leur vie et « y prenant de la graine ».

La rivière qui chante,

évoquera les jeux de l’enfance, l’éveil des sens, la fraîcheur et la poésie de ces moments ineffables.

Cette présentation et les nombreux échanges qui ont suivi avec les adhérents nous ont donné l’image d’une éditrice volontaire, enthousiaste et habitée par un sens des responsabilités vis-à-vis des jeunes lecteurs, des médiateurs qui font vivre ces albums et des jeunes talents auxquels elle fait appel. Nous remercions vivement Bénédice Petitot pour son exposé et les conseils avisés qu’elle nous a, en filigrane, dispensés. Merci également à Léa Gerst. Avec de tels albums, les lecteurs et les parents ont de quoi faire s’ancrer l’amour de la lecture dans la tête des jeunes enfants.

Pour notre bibliothèque associative, nous avons acquis L’ile des Rouges

Auteur : Olivier Dupin

Illustratrice : Marjorie Beal

Monsieur Paul part en vacances. Destination : l’île des Rouges ! Mais quel drôle d’endroit ! Les habitants n’ont pas le droit de faire ci, pas le droit de faire ça…

pourquoi toutes ces règles étranges ?