Auteur/autrice : FrancoisC

Retour sur une rencontre avec Marianne BARCILON

Retour sur la Rencontre avec Marianne BARCILON

mardi 12 décembre 2023, Eaubonne.

 C’est une intervenante pleine d’énergie et passionnée par son travail que nous avons accueillie, et cette Rencontre en a été colorée d’une ambiance joyeuse et bienveillante.

Marianne BARCILON est une vraie professionnelle de l’illustration jeunesse. Déjà diplômée des Beaux-Arts, elle s’est formée aux Gobelins dans les métiers de l’image et s’est spécialisée dans les effets spéciaux. A ses compétences artistiques elle a ainsi ajouté deux cordes, l’organisation et l’efficacité.

Ne marchandant pas son temps, elle a depuis toujours créé des images en grand nombre, seule ou avec ses enfants. Quand enfin elle parvient au juste trait, ses doutes tombent, elle se sent sûre d’elle et contente de son travail. Pas étonnant que les éditeurs donnent carte blanche à quelqu’un qui utilise à si bon escient son talent, son imagination et sa liberté.

Les animations d’ateliers scolaires lui permettent d’ajuster sa vision. Car le regard des enfants est impitoyable et ils n’ont pas la langue dans leur poche pour réfuter des personnages non véridiques ou contester le nombre des nains !

Illustrer, c’est une responsabilité d’auteur. Les images désignent ce que les mots ne disent pas, les contextes, les causes et les effets. Elles sont une deuxième narration.

Illustrer, c’est intégrer les contraintes fortes de la composition. Ne serait-ce que respecter le nombre de pages prévu, toujours un multiple de 8, soit 32 ou 40. Or le texte est déjà là, pré-existant, imposant son propre rythme. Et les interactions illustrateur-auteur – les arrangements –  sont très rares, tant pis ou tant mieux.

Quand Marianne écrit et illustre à la fois, il lui faut donc une double imagination et une maîtrise des ajustements. De plus, il lui arrive de concevoir plusieurs albums en même temps. Et comme chaque album lui prend maintenant environ quatre mois, on peut dire qu’elle travaille sur le temps long et que son imaginaire est strictement géré.

Marianne pourrait s’isoler dans sa tâche, mais ce n’est pas dans son tempérament. Il lui faut des rencontres avec des confrères, des ateliers, des moments de partage, du mouvement, de l’énergie.

Où puiser ? Dans les sources d’inspiration que sont les grandes références, Tomi UNGERER, Maurice SENDAK, par exemple, mais pourquoi pas aussi chez certains contemporains, ou tout simplement dans ce que l’on voit de nouveau tous les jours ?

Au quotidien, c’est une véritable banque d’images que Marianne BARCILON s’est constituée au fil des années : dans ses innombrables carnets de dessins, on trouve les gens rencontrés dans le métro, qu’elle a croqués à la dérobée, et puis tout ce qui passe et qui est vivant, des humains, des animaux. La sorcière Rabounia est une femme terrifiante qui existe donc quelque part !

Quant à ses hérissons (ceux de Pourquoi moi j’ai jamais de calins), ils logent sous son atelier…

Mais les prélèvements dans l’environnement ne suffisent pas. Tout doit être étayé culturellement.

Marianne, qui travaille à l’ancienne, « comme au Moyen-Age », sans ordinateur, ne dispose que d’une boîte d’aquarelles et d’un pinceau à réservoir. Armée de ce modeste attirail, elle effectue des recherches incessantes, dans les bibliothèques, les encyclopédies, les musées, France-Culture, les vieilles photos, les souvenirs (« la couette de ma grand-mère est devenue la couverture de Nina »).

Par exemple, se penchant sur la sorcellerie, elle a épluché grimoires, recettes, gravures, procès-verbaux, etc. Sur le thème du hérisson, elle a étudié la représentation du hérisson aux temps passés. « Ce n’était pas indispensable », dit-elle, mais l’acte de création alimente chez elle une immense soif de savoir.

Cette « avidité » engendre sans fin des histoires. Par exemple, dans Rabounia, les histoires que la sorcière va devoir traverser en s’extrayant de son propre livre ; ou, dans Jean-Poil et Poiss-Kaï, le récit qui se démultiplie avec les histoires que le poisson va raconter au chat.

Quels ressorts pour une telle activité ?

Il y a le désir de servir les enfants, les siens, ceux des autres ; l’envie de les faire progresser, d’activer leurs intelligences, de les initier aux différents niveaux de langage, de les rassurer sur leurs capacités, de les amuser, de leur donner le goût d’être eux-mêmes.

Un projet ? Aller dans des histoires décalées, et poursuivre le travail entamé avec Elodie FONDACCI pour ses Histoires farfelues d’orthographe, « une série ludique, maline, intelligente »:

Notre Rencontre s’est joyeusement achevée dans un atelier de dessin collectif.

Merci à Marianne d’avoir déployé sa bonne humeur et son énergie pour nous faire entrer dans son histoire. Une histoire semée de doutes vaincus par des certitudes exaltantes.

Nos coups de coeur 2023 – série n°6 : droits-altruisme-adoption-uniques en leur genre

« DROITS »

Les déclarations des droits (série)

Elisabeth BRAMI, illustr. Estelle BILLON-SPAGNOL    Talents hauts (2014/2016)

égalité-droits-féminisme-stéréotypes-préjugés-clins d’œil-humour

« ADOPTION »

Les deux anniversaires d’Ariane    

JEE-YUNG, illustr. Yan NASCIMBENE     Chan-Ok (2009)

De ses racines coréennes à son accueil dans la culture française, Jee-yung vous livre son histoire, avec simplicité et finesse, humilité et tendresse. Les traits de Yan Nascimbene colorent un destin qui change, le voyage d’Ariane entre sa terre d’origine et sa terre d’adoption et toute la force d’une nouvelle filiation.

témoignage-culture-tendresse-magie-anniversaire-adoption

« ALTRUISME »

Cocotte tricote     

Christine BEIGEL, illustr. Christine DESTOURS        Didier Jeunesse (2019)

Cet hiver, il fait un froid d’ours blanc. Gare au rhume ! Heureusement, tric tric, cot cot, Cocotte tricote pour tous ses amis : une écharpe orange pour le bonhomme de neige, un bonnet vert pour la vache, des chaussettes bleue pour le pingouin… Tant et si bien qu’à la fin, il ne reste plus un seul bout de laine à tricoter… Heureusement, Cocotte ne manque pas idées, vous verrez !

solidarité-générosité-hiver-froid-entraide

« UNIQUES EN LEUR GENRE »

Petite et Grande Ourses  

Bernadette GERVAIS               La Partie (2022)

Petite Ourse est fière d’être la fille de Pandora. En vérité, Pandora n’est pas exactement sa maman, mais celle qui l’a accueillie il y a si longtemps que Petite Ourse n’a plus de souvenirs d’une vie d’avant. Elle, qui se trouve si bête, a une chance incroyable de vivre aux côtés de quelqu’un qui sait tant de choses ! Pendant que Pandora lit et se cultive, Petite Ourse s’occupe de tout : le jardin, les courses, la cuisine. Mais Pandora est toujours contrariée et ne cesse de lui répéter combien elle est stupide, méchante, injuste…Il faudra donc une voix extérieure pour lui montrer qu’une autre vie est possible : c’est le rôle de Grande Ourse.

violence psychologique-harcèlement-déni-solutions

Le merveilleux Dodu-Velu-Petit        

Béatrice ALEMAGNA  Albin Michel (2014)

Un matin à son réveil, Edith entend sa soeur prononcer ces mots étranges: « anniversaire-maman-cadeau-dodu-velu-petit ». Craignant que sa soeur ne le trouve avant elle, Edith part sans attendre à la recherche du dodu-velu-petit. Mais par où commencer ? Et si elle allait demander aux commerçants du quartier s’ils n’auraient pas en stock un peu de cette chose mystérieuse?

imagination-quête-ville

Promenade au parc    

Anthony BROWNE     Kaléidoscope (2013)

Le modeste Monsieur Smith sort de son immeuble délabré et se rend au parc accompagné de sa fille Réglisse et de son chien Albert. Dans le même temps, la très chic Madame Smarthe, quitte sa magnifique demeure et se rend aussi au parc, accompagnée de son fils Charles et de sa chienne Victoria. Les deux adultes s’assoient chacun à une extrémité d’un banc. Les chiens, eux, commencent très vite à jouer ensemble. Puis les enfants font de même…

amitié-classes sociales-pauvreté

Emile (série) 

Vincent CUVELIER, illustr. Ronan BADEL       Gallimard Jeunesse (depuis 2012)

Émile est un petit garçon pas tout à fait comme les autres. Il faut dire qu’il sait ce qu’il veut. Toujours. Et il n’est pas commode, Émile. Pas du genre à s’en laisser conter, Émile. Lui, ce qu’il veut, c’est vivre l’extraordinaire. Surtout, ne jamais être là où on l’attend. Et peu importe le qu’en dira-t-on.

humour-regards d’enfant-malice

C’est MON élastique !   

Shinsuke  YOSHITAKE                     Kaléidoscope (2020)

Maman m’a donné un élastique. Il est à moi, rien qu’à moi. Je peux en faire ce que je veux : rencontrer l’amour, sauver le monde… C’est génial, non ? En fait, on veut tous un trésor rien qu’à soi.

vie quotidienne-imagination

Mauvaise herbe  

Thibaud RASSAT   La Pastèque (2020)

Eugène est un architecte un peu maniaque dans la ville, il est passionné par l’ordre, le classement et les angles droits. Il a toujours construit ses immeubles en suivant ces principes. Or, un jour, sur un chantier, un arbre bascule sans se déraciner, de telle sorte que le tronc traverse l’endroit où l’immeuble d’Eugène devait être construit. Un ouvrier propose de couper l’arbre, mais notre architecte ne veut pas…

faire face à l’inattendu

Présentation d’une rencontre avec Marianne BARCILON le 12 décembre 2023

Elle est née en 1969 à Paris. Après ses diplômes des Beaux-Arts de Cergy-Pontoise et de Bordeaux, elle va étudier le dessin animé à l’Ecole des métiers de l’image à Paris.

Embauchée comme assistante de producIon chez Buf Compagnie, elle y réalise des effets spéciaux pour le cinéma et la publicité, pendant cinq ans. Puis, rattrapée par sa passion de toujours, elle quitte le monde de la publicité et s’engage vers l’illustration pour enfants où elle uIlise l’aquarelle et le crayon, « comme dans les beaux livres d’autrefois ».

Quelques auteurs comme Tomi UNGERER, Benjamin RABIER, … lui ont également donné l’envie d’écrire et d’illustrer et, longtemps après, elle ne regrette pas son choix. Son métier lui semble extraordinaire : elle dessine toute la journée, participe à l’imaginaire des enfants, crée des personnages qu’elle aime, et finalement s’organise comme elle l’entend.

Elle a conservé de son enfance le plaisir de dessiner : le trait est fin, les aquarelles légères, et l’ensemble donne un air délicat qui cache pourtant une énergie réelle, un mélange de tendresse et d’humour que dégagent ses personnages : Rikiki le pirate, Nina, Elinor, Félicité, Papoutsa, …

Bibliographie sélective :

Chez « Kaléidoscope » : La plus belle maman du monde ; Rikiki ; J’aime pas nager ; La série des Nina ; Histoires de princesses ; La sorcière Rabounia ; Mademoiselle Princesse ne veut pas manger ; Pourquoi moi j’ai jamais de câlin ; Gloups ; Ourson le Terrible.

Chez « Lito » : La fée Baguette (série) ; Les trois petits cochons ; Le Chat botté ; Boucle d’or et les trois ours.

Chez « Sarbacane » : Overdose de rose.

Chez « Ricochet » : Mon petit baluchon ; Bleu Linou ; Rouge Thildou ; Vert Zabou ; Jaune Kajou ; Kim’Ono.

A « l’Ecole des Loisirs » : La princesse coquette.

Récemment, avec Elodie Fondacci : Histoires farfelues d’orthographe (Edit. Le Robert- Lunii).

Retour sur une rencontre avec Didier LEVY

Second invité de notre saison 2023-2024 : Didier LEVY, auteur jeunesse prolifique de près de 200 titres, et illustrateur depuis peu, est un ex-journaliste tombé pour toujours dans le monde des histoires. Notre rencontre a eu pour thèmes son métier d’écrivain, son point de vue sur l’illustration et sur le sens qu’il donne à son engagement dans la littérature jeunesse. Voici les albums qu’il a choisis pour illustrer son propos : La fée Coquillette, Le jour où j’ai bien failli perdre ma couronne, Aspergus et moi, Le superpouvoir des chansons, Le superpouvoir des histoires, Hanabishi, Avec Mona et Après le cirque.

Didier LEVY nous a d’abord parlé, avec sincérité et intensité, de son travail quotidien d’auteur.

Ecrire, c’est un chemin d’invention ; tandis qu’on est dans la vie et dans la relation à autrui, on est en même temps à l’œuvre dans son propre monde, sa propre bulle. Il faut arriver à vivre cette superposition, et ce n’est pas toujours facile. Car en son for intérieur, et sans relâche, on bâtit progressivement une histoire, on cherche des continuités possibles à ses épisodes, les voies qui vont mener jusqu’à une fin qu’on a prévue mais dont on ne sait au départ comment on va y arriver. Ce sont donc d’incessants questionnements, des recherches de solutions. Ce sont des repentirs, des reprises, des bonnes idées qui se révèlent erronées, des idées fumeuses qui se révèlent efficaces… un travail perfectionniste, qui laisse pourtant de la place à l’improvisation.

De telles difficultés sont compensées par l’excitation d’avoir trouvé l’idée juste qui fait rebondir, qui redonne de l’élan, et par l’enthousiasme d’avoir au fil du travail pu « faire résonner en soi l’écho de sa propre enfance ». C’est ce monde qui est enfoui mais qui n’est pas perdu pour autant, que l’auteur recherche ardemment et avec opiniâtreté. Ainsi l’écrivain, « se servant tantôt du cerveau gauche de la raison et du cerveau droit de l’intuition », est-il un alchimiste, à la recherche d’une magie, et toujours en quête de pépites.

Pourquoi écrire pour les enfants ? 

D’abord parce que les enfants possèdent « d’immenses capacités de créativité, leurs têtes sont des boîtes à outils  avec des capacités d’imagination infinies, et il faut alimenter cette machinerie fantastique ». De plus ils ont un avantage sur les adultes : un esprit naturellement critique, qui les aide dans leurs choix.

Une autre raison, c’est qu’en écrivant pour eux, on trouve des solutions à ses propres problèmes. Car l’enfant qui demeure en nous « ouvre des portes sur le champ des possibles ». Et ce faisant, on est de soi-même le premier lecteur, qui se surprend, s’émeut et s’amuse.

Didier LEVY nous a tous invités à écrire comme lui des histoires pour enfants, pour leur faire du bien, et pour nous en faire à nous. Il affirme que la créativité existe chez tout un chacun. Il suffit de s’y mettre, et de consacrer à la tâche le temps et l’attention suffisants.

Un album qu’il nous a lu, une histoire tendre entre deux réputés cruels, un mini-roman, avec des péripéties menant à une rassurante et bienheureuse conclusion.

A une question sur les auteurs et illustrateurs qui l’ont influencé ou bien ceux qu’ils aiment particulièrement citer, Didier Lévy nous a répondu par une ellipse : « tous les auteurs des livres que j’ai croisés dans ma propre enfance ». Et puis il a quand même cité pêle-mêle Maurice SENDAK, Philippe CORENTIN, Béatrice ALEMAGNA. Il a donné sa préférence à l’illustrateur André FRANCOIS, dont le Centre culturel de Margny-lès-Compiègne – dédié à l’album et à l’illustration – porte le nom.

(repéré au Salon de Montreuil 2023 – librairie des livres rares)

Les albums de Didier LEVY ont été illustrés par de très nombreux artistes, au gré non de ses demandes particulières, mais des desseins des éditeurs, eux-mêmes très variés ; cette variété ne lui a pas posé de problèmes. Il fait confiance entière à ses illustrateurs, des interprètes qui se sont approprié la matière. Pour lui, l’illustrateur n’est pas un créateur en second, mais est un véritable co-auteur. Et donc, lorsque l’un de ses textes est illustré, le livre initial – qui n’était en somme qu’un projet –  n’existe plus, puisque le véritable livre est né. Il est « le résultat d’une chimie intime texte-images ».

Mais c’est lorsque Didier a affirmé que l’illustration, de toutes façons, était plus importante que le texte, comme la musique d’une chanson compte plus que les paroles, qu’un – aimable – débat s’est engagé dans la salle. Certains ont dit que le texte était la matière principale, que les mots avaient leur propre musique, que le langage suscitait de soi-même des images mentales qui pouvaient même supplanter les illustrations. D’autres ont dit qu’ils lisaient tantôt en montrant les images, tantôt sans les montrer, ce qui démontrait l’importance égale du texte et de l’image.

Au service de sa thèse, Didier LEVY a affirmé que les textes sont « les écrins des images qui se développent ». La collaboration avec Pierre VAQUEZ, graveur en taille-douce à la manière noire, a été un vrai bonheur. Comme si l’extrême difficulté de ce technique, la lenteur de l’exécution – trois semaines ou un mois pour une seule image – le fait que du noir surgisse la lumière et qu’on obtienne à la fin cette douceur veloutée, c’était l’équivalent – ou la métaphore –  du travail artisanal de l’auteur d’histoires.

Didier LEVY acquiert de ses expériences multiples qu’on a intérêt à être auteur-illustrateur ; et c’est pourquoi il a créé tout seul l’album « Après le cirque ».  Il nous a lu cet album.

Il nous a donné des clefs pour bien user des textes : lire lentement, mettre à la lecture de l’engagement, de l’ardeur. Car « un bon texte c’est le rapport entre ce qu’on raconte et ce qu’on laisse deviner ; c’est un texte qui laisse le plus possible de place au lecteur sans pour autant le perdre. » Le lecteur prendra donc son temps pour que s’éveille doucement la conscience des auditeurs.

De Didier LEVY, nous conserverons l’image d’un homme authentique, exigeant, complexe, singulier, toujours efficace. Nous mettrons cette image au regard de ses albums, limpides, fluides, heureux, plaisants.  Nous y trouverons tout ce dont nous avons besoin pour faire aimer les livres aux jeunes enfants : humour, surprises, espoirs, images d’une vie meilleure.

Merci à Didier LEVY pour sa totale implication dans une séance qui nous a nourris.