Auteur/autrice : FrancoisC

Notre visite de l’Atelier du livre d’art et de l’estampe

        Après la découverte de l’Atelier-Musée de l’imprimerie de Malesherbes en janvier et du Cadratin de Jouy-le-Moutier en juin,  10 adhérents de l’association Lire 95 ont visité le jeudi 6 novembre 2025 l’Atelier du Livre d’Art et de l’Estampe de Auby/Flers-en-Escrebieux.

Cet atelier constitue le patrimoine vivant et matériel de l’Imprimerie nationale devenue IN Groupe en 2018 et dont l’existence remonte à François 1er (1538).

Il  s’agit d’un lieu unique en Europe, voire dans le monde, de conservation patrimoniale, de transmission des savoirs et de production, qui associe histoire, technique de l’imprimerie et pratique des savoir-faire ancestraux dans une approche créative et artistique.

Nous avons été particulièrement bien accueillis par une équipe de professionnels extrêmement qualifiés, passionnés et conscients de participer chaque jour à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine culturel.

La visite de l’Atelier a débuté par une présentation chronologique de l’avènement des différents caractères typographiques au fil du temps.

De l’imprimerie royale à l’Imprimerie nationale en passant par l’Imprimerie impériale, nous avons découvert les différentes créations typographiques permettant au pouvoir en place d’affirmer leur politique culturelle et leur contrôle de l’édition.  

Sous François 1er, première  création d’une typographie royale pour le grec ;

Robert Estienne, imprimeur du Roi fit appel à Claude Garamont tailleur et fondeur de lettres qui grava les poinçons des « Grecs du Roi ».

Puis naissance de l’imprimerie royale qui fut fondé par Louis XIII en 1640 à l’instigation de Richelieu. Elle fut chargée d’imprimer tous les actes officiels puis les textes littéraires et religieux.

Nous avons admiré  à travers les présentations des différentes vitrines les poinçons typographiques (exemple : « Grandjean » ou « Romain du roi »  (authentique typographie de Louis XIV) poinçons gravés par Louis-René Luce) et leur impression.

Trésor de l’Imprimerie nationale, le cabinet des Poinçons, constitue un patrimoine unique au monde avec ses  700 000 pièces gravées dont la plus grande partie est classée au titre des monuments historiques.

Le poinçon est une tige d’acier à l’extrémité de la laquelle le graveur dessine et grave en relief et à l’envers la lettre.

Les compositeurs typographes de l’Atelier disposent de 7 caractères latins exclusifs : Garamont, GrandJean, Luce, Didot impérial, Marcellin-Legrand, Jaugeon et Gauthier ainsi que des caractères orientaux (65 écritures du monde) créés ou acquis au fil des siècles depuis les « Grecs du Roi » gravés par Claude Garamond pour François 1er.

Ensuite, nous avons été invités à une petite démonstration de ces savoir-faire ancestraux, temps fort de notre visite. Nous avons pu admirer la précision des gestes répétés depuis plus de cinq siècles avec la fabrication des caractères mobiles qui se décompose en trois phases : la gravure d’un poinçon, la frappe d’une matrice, la fonte de caractères typographiques (dans un alliage de plomb, d’antimoine et d’étain).

La richesse de l’Atelier, c’est aussi ses artisans et maîtres d’art qui font vivre chaque jour par leur geste une tradition d’excellence : le graveur (poinçon), le fondeur (la matrice), le compositeur typographe qui place chaque lettre mobile et crée un texte, le correcteur… et l’imprimeur.

A partir de la révolution industrielle au 19e siècle, les machines ont permis progressivement l’automatisation des différentes tâches avec la Linotype (qui compose une ligne de matrices) et surtout la Monotype (clavier qui permet la saisie du texte sur bande papier perforée et fondeuse-composeuse intégrée), ces avancées technologiques majeures sont à l’origine de l’essor de la presse quotidienne et de l’édition.  

Pour clôturer la visite, Marie Poirot, responsable éditorial  de l’Atelier, nous a présenté quelques exemples de la production remarquable récente,  véritables chefs-œuvre à tirage restreint, chaque exemplaire est unique.

Le Gardeur de troupeaux, de Fernando Pessoa :

Textes poétiques de Fernando Pessoa composés à la main en Garamont entrelacés d’une dizaine d’aquarelles originales de Gérard Traquandi, illustrations réalisées pour chaque exemplaire au fil de la lecture du peintre, ouvrage unique, émotion garantie.

Vous pouvez aussi consulter une présentation de l’ouvrage. Il s’agit d’une vidéo réalisée à la Bibliothèque  « l’Alcazar »  de Marseille en présence de l’artiste Gérard Traquandi et disponible sur Youtube à l’adresse suivante :

https://youtu.be/T8zpdu5AuBk

https://share.google/SKHvm74kIFZ9A8kFy

Le Cantique des cantiques, traduit par Vincent Schmied :

Voyages en Alexandrie, de Robert Lobet et Bruno Doucey : 

Nous avons aussi rencontré l’artiste Valia Eydis, actuellement en résidence à l’Atelier pour la fabrication de son dernier ouvrage, Promenade avec Gogol, présenté au Salon de bibliophilie « Pages » ;  Palais de la Femme, du 28 au 30 novembre 2025.

Pour compléter nos connaissances sur l’Atelier :

L’Atelier du livre d’art et de l’estampe

 Marie-Claude Hallard

Les Actus de Marie-Lou, novembre 2025

Voilà une belle sélection pour faire plaisir à nos jeunes lecteurs et lectrices à l’occasion des fêtes de fin d’année  et n’oubliez pas le Salon de Montreuil !

Autour du Salon de Montreuil (https://slpjplus.fr)

        Benoît Jacques est lauréat du prix de la Grande Ourse 2025. Son parcours d’auteur, illustrateur et éditeur est marqué par plus de 30 ans d’expérimentation et de liberté artistiques. Né à Bruxelles il est l’auteur d’une cinquantaine de livres et a été récompensé du Baobab de l’album en 2008, pour « La nuit du visiteur » et du Grand Prix Triennal de la littérature jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2012.

Son dernier titre « Journal : l’enquête qui piétinait-intégrale de la saison 1 » est paru le 15 octobre 2025.

Sur le site Kibookin

En plus de la sélection par tranche d’âge, Kibookin propose une sélection sur le thème de l’altérité et de l’empathie, en écho du thème du 41ième Salon « L’Art de l’autre ».

Actualité éditeurs/auteurs

Cot Cot Cot propose :

  • Leur regard, de Higo Wu et Pei-Hsiu Chen : un album venu tout droit de Taïwan qui rappelle qu’en explorant le monde avec des yeux d’enfant, même la chose la plus ancienne dans l’univers peut sembler nouvelle et fascinante ; (livre conseillé par le CNlJ/BNF) ; dès 6 ans.

Hélium conseille :

  • Qui voit là, de Caroline Gamon : une étrange créature traverse la forêt, intriguant les différents animaux qui la peuplent. Un livre qui invite à observer et surtout à changer de perspective pour mieux comprendre le monde; dès 4 ans.

Les 400 coups présentent :

  • Pome et Dina, de Caroline Barber et Marianne Pasquet : un recueil de 12 histoires qui racontent la première année d’amitié entre deux amies aussi vives qu’authentiques ; dès 3 ans.

Hongfei nous fait découvrir :

  • Un air de trompette, de Gilles Baum et Clémence Pollet (notre invitée en 2020) : de retour d’Egypte, l’Empereur rapporte à Paris mille trésors, dont une trompette. Mais est-ce vraiment une trompette ? S’emparant d’une anecdote réelle de l’histoire de l’art, les artistes affabulent dans un album truculent où se côtoient un empereur fantasque, un conservateur de musée dépassé et un objet mystérieux encore exposé au Louvre ; dès 8 ans.

Les fourmis rouges suggèrent :

  • Pavel et Mousse, d’Aurore Petit : Pavel, un lapin ordinaire trouve un bébé panda dans la forêt et l’adopte. Lorsque Mousse grandit, il ressemble de plus en plus à un panda, ce qui suscite des questions de parentalité et de construction de l’identité ; dès 4 ans.

Les éditions des éléphants proposent :

  • Le grand voyage de Dandy Lapin, d’Adèle Pedrola et Chiaki Okada : Dandy Lapin, heureux propriétaire d’une maison douillette et d’un jardin propret, reçoit un jour un courrier inattendu : il a gagné un voyage en Australie ! Sauf que… l’Australie, c’est bien trop loin pour lui ! Un livre sur la tolérance envers soi-même et envers les autres ; dès 4 ans.
  • Mon petit frère de glace, d ’Irène Cohen-Janca et Giulia Vetri : un roman qui raconte le destin d’une famille lettone broyée par la machine stalinienne. Et pourtant, dans le froid et la misère du kolkhoze, une amitié lumineuse va naître ; dès 8 ans.

Didier Jeunesse recommande :

  • L’incroyable maison de la forêt, d’Elena Selena : un livre pop-up dans lequel une maison grandit pour accueillir tous les amis de la forêt ; dès 3 ans.
  • La grosse faim de P’tit Bonhomme, de Pierre Delyee et Cécile Hudrisier: ce matin P’tit Bonhomme a le ventre vide et il court chez le boulanger. Un petit conte-randonnée sage et insolent ; dès 3 ans.

Albin Michel Jeunesse propose 

  • L’adaption du célèbre film d’animation multiprimé : Flow, de Gints Zilbalodis et Matiss Kaza : dans un univers envahi par les eaux et mystérieusement déserté des humains, un petit chat trouve refuge sur un bateau aux côtés d’autres animaux perdus, dès 5 ans.
  • Le best-seller coréen Le lys du ciel, de Lee Geum-Yi : à 12 ans, Mireu quitte Séoul, son père et ses amies pour s’installer avec sa mère à Champ-de-lune, un petit village de campagne. La beauté du paysage la laisse indifférente, elle est trop en colère contre sa mère, le divorce de ses parents, et la vie en général ! Décidée à rester isolée, Mireu va pourtant croiser la route de la douce Sohui et de son ami Baou, jeune artiste discret. Ils vont s’apprivoiser, se confier et se lier d’une amitié sincère, qui les aidera à grandir et à avancer; dès 9 ans.

A bientôt

Marie Lou

Retour sur une rencontre avec les éditions OBRIART le 14 octobre 2025

En nous contant la naissance des éditions OBRIART, Cyprienne KEMP nous a mis sous les yeux un récit qui sort des sentiers battus. En effet, cette passionnée d’arts plastiques, qui se définit comme une artiste du livre, avait au départ la volonté de créer de très beaux objets et qui sont devenus principalement des livres, des livres d’artistes. Puis l’année 2014 a été un tournant. Cette année-là Cyprienne a pris celui de la littérature jeunesse, en pensant que ce domaine permettrait à ses créations de prendre leur essor, de trouver leur public. Et c’est ainsi qu’elle est devenue éditrice pour « impulser et pour transmettre ».

Avec quels contributeurs ?

Plutôt que de miser sur un objectif de  la rentabilité à court et moyen  terme, elle a fait le pari, assez risqué, de choisir des personnalités assorties à ses propres choix esthétiques et éthiques. Ainsi a-t-elle « repéré » Cécile Metzger, qui a une identité visuelle à fort impact.

« Un enfant trouve un fil jaune sur le sol. Curieux, il décide de voir où il le mène. Pour vivre son aventure, il devra surmonter sa peur de l’inconnu. Il découvrira des paysages somptueux peuplés d’animaux et au bout de son voyage, une belle surprise l’attend…« 

Et elle a opté en parallèle pour l’édition de livres étrangers par achats de droits, donnant à la maison OBRIART une envergure internationale.

En voici deux exemples :

un premier album jeunesse de l’auteur-illustrateur anglais Owen Gent.

« L’enfant au parc  imagine plein de choses tandis que le parent est absorbé par son téléphone.       l’album fait l’apologie des rêves tout en rappelant aux parents qu’il est important de partager du temps avec son enfant. Cet album est un appel à lever les yeux et à être présent.« 

Et aussi

Encore un premier album, celui d’une étudiante tchèque, créé en 3 mois, et qui a reçu le prix du meilleur livre silencieux (Silent Book Contest 2022).  

Quels objectifs ?

C’est principalement de « montrer la diversité pour pouvoir faire accepter la différence ».

Cet objectif se décline à travers des partis-pris « écologiques » :

  • Impression en Europe afin de maîtriser les circuits de fabrication.
  • Refus du pilon pour les invendus au profit de la vente à bas coût.
  • Limitation du nombre d’éditions par an (7 au plus)
  • Edition de livres engagés afin de rendre les enfants actifs dans leurs lectures ;

Ainsi La jeune institutrice et le grand serpent :

emmène-t-elle les jeunes lecteurs au cœur de la forêt amazonienne de Colombie et vers une merveilleuse légende encore bien vivante. Un livre qui est un vibrant hommage à Irène Vasco, inlassable diffuseuse de livres dans les zones les plus reculées.  Cet album a été sélectionné pour le Prix UNICEF Littérature jeunesse 2025 sur le thème « Grandir dans un monde durable, ça n’attend pas ! »

Quelles réalisations ?

A ce jour, Obriart a 13 albums jeunesse à son catalogue, s’est engagé dans une collection pour les tout-petits (Trotrodile), une autre pour donner envie de lire (J’ai pas le temps), une collection « mythologique », une édition dite du Château pour s’émerveiller, et des BD expérimentales.

7 titres ont été primés, dont

Fermez la porte (Prix de l’album surréaliste au salon du livre de Bruxelles 2024, et Prix Nénuphar  2025).

Comment travaille-t-on chez OBRIART ?

La modestie de l’équipe éditoriale amène à travailler directement avec les « artistes ».

Ainsi Un ours mal léché  a-t-il fait l’objet d’un travail en commun éditrice-autrice pour le format de couverture, les illustrations et pour le texte de conclusion.

Qu’est-ce qu’un livre pour OBRIART ?

« L’histoire commence dès qu’on a le livre en main car  le livre est un objet complet », dont les mots-clefs sont : découverte, familiarisation, décoration, jeu, amitié, confort, émerveillement, enthousiasme…

(collection trotrodile)

Cyprienne Kemp nous a présenté aussi

Moea a des rêves plein la tête, de Mino Rivo et Claire Thibon

Moea est une petite fille très imaginative dont l’esprit est rempli d’histoires fantastiques. Seulement cette riche imagination ne l’aide pas à se concentrer à l’école. Heureusement que Monsieur Coq a une solution ! Il lui montera que de sa différence Moea peut faire quelque chose de positif.

Les voyages de Marino, de Cecilia Cavallini

Marino aime bien aider autrui. Alors il a inventé une machine à distribuer la pluie.

Et un livre sur le thème : « que peut-on faire à notre hauteur ? »

Ma grand-mère, de Maria Elina :

« Ma grand-mère est une histoire tendre et émouvante qui parle de la perte de mémoire et des confusions souvent associées à la vieillesse ; sur la façon dont nous percevons ces changements et la capacité des enfants à recevoir avec amour et avec joie les choses que la vie leur réserve. La question de la perte de la mémoire n’est jamais exposée comme un problème, c’est d’avantage la formidable complicité entre la grand-mère et son petit enfant qui est ici mise en valeur.« 

 Puis Cyprienne elle nous a parlé de deux BD silencieuses (expérimentales) :

où il est question d’un changement de genre et

où comment les expériences peuvent vous rendre humain

Cyprienne Kemp a conclu avec une évocation de

La petite Fabrik

Montée avec Claire Gouelleu, autrice et metteuse en voix, qui va faire des lectures au cœur des cités, des points de deal, de lieux d’enfermement, des musées, la Petite Fabrik agit pour rendre le livre familier, au moyen de la création de livres-objets et d’actions culturelles et artistiques accessibles à tous.tes.

https://www.instagram.com/clairegouelleu/p/C1wTxI3ovOh

Un tel programme dévoile le rôle de l’éditeur au cœur de la cité. Et ce n’est pas le moindre mérite de la maison OBRIART.

Voici les retours de l’équipe Lire95:

Une démarche originale !

Un esprit d’entreprise très développé, visionnaire également, exigeante, sûre de ses choix; le nombre de ses publications annuelles, très restreint, et leur qualité, attestent d’une rigueur et d’un sérieux très profonds.

Les ouvrages choisis sont artistiques, choisis pour le thème, mais aussi ou surtout pour leur beauté ! On ressent la formation professionnelle de l’ intervenante.

Les livres présentés sont originaux, divers et choisis avec beaucoup d’intelligence et d’éthique.

Les livres sont magnifiques.

Une démarche originale !

Un esprit d’entreprise très développé, visionnaire également, exigeante, sûre de ses choix; le nombre de ses publications annuelles, très restreint, et leur qualité, attestent d’une rigueur et d’un sérieux très profonds.


Pour notre bibliothèque associative, nous avons acquis

L’ascenseur doit descendre, mais, bizarrement, il monte. Qui l’a appelé ? Est-il cassé ? Six voisins se rencontrent dans ce qui paraît être une routine éphémère, mais qui révèle bientôt de vieilles histoires et de nouvelles amitiés. Tous les voyages nous transforment, même un voyage en ascenseur. Bonus Un deuxième petit album est à découvrir dans une enveloppe qui est collée sur la troisième couverture de l’album. (Notice de l’éditeur)

Merci, Cyprienne Kemp, de nous avoir régalés avec toute votre production dont l’effet positif sur les enfants est incontestable.

Retour sur une rencontre avec Isabelle SIMLER le 13 mai 2025

Isabelle Simler est une dessinatrice-née, qui a étudié aux Arts décoratifs de Strasbourg, puis travaillé dans la publicité, la presse, le dessin animé et enfin l’illustration-jeunesse.

Sa rencontre avec les éditions Courtes et longues a été déterminante. Leur fondateur et directeur, Jean Poderos, lui-même ancien éditeur de livres d’art et auteur, a su nouer avec elle une profonde relation de confiance. Cette volonté partagée de qualité et d’esthétique, et la liberté d’exploration qu’elle peut développer lui permettent de mener à terme des créations qui sont, pour la plupart, de son initiative propre.

Pour elle, suivre ses envies est un chemin vital. Et le statut d’autrice-illustratrice lui offre un épanouissement complet.

Isabelle a toujours rêvé et elle a été émerveillée par les êtres vivants, tout ce qui peuple la nature, végétaux et animaux. Au-delà de les voir de très près, elle aspire à s’immerger dans leur univers et se glisser dans un monde de prédilection.

La création d’un album est précédée d’une solide documentation scientifique. C’est la connaissance approfondie d’un animal ou d’un végétal qui fera le dessin exact et le texte adéquat. Et vu les nombreux animaux et végétaux de ses livres, les recherches préalables occupent un temps supérieur à celui de l’écriture et du dessin.

Ainsi, pour concevoir Doux rêveurs (2017), qui traite du sommeil des animaux, elle a d’abord rencontré une vétérinaire spécialisée dans ce domaine.

Pour Royaumes minuscules (2021), qui convoque les insectes sociaux, elle a collaboré avec une ingénieure spécialisée dans l’environnement, Anne Jankéliovitch.

Isabelle Simler veut aller plus loin que Buffon dans ses « Histoires naturelles ». Son empathie veut faire émerger la part sensible et la poésie des créatures qu’elle met en scène. Aussi elle observe longuement leurs déplacements, leurs quêtes, leurs cycles, quitte à visionner des films au ralenti. Et elle traduit en paroles et en dessins leurs mouvements qui, mieux que des profils, sont leur carte d’identité.

Sa manière de faire est quasi primesautière au départ puis elle se fait industrieuse. Elle suit son inspiration, fait des rencontres aussi inattendues que fructueuses. Ses nombreux ateliers créatifs pour enfants l’ont menée jusqu’en Chine.

Elle utilise des outils variés, tantôt des crayons de couleurs, tantôt une palette graphique avec pour objectif de capter la lumière et l’attention. Il faut faire très fin, très précis, car le petit peuple de la nature est un infini de délicatesse et de fragilité. Mais elle va jusqu’au bout, sans se décourager, et retravaille ses épreuves jusqu’au dernier instant.

Les idées lui viennent souvent quand elle est seule et sans occupation, dans un train par exemple ; ou quand elle se remémore des rêves ou des observations. Mais le plus souvent l’idée vient lorsqu’elle se met à écrire ou à dessiner, comme si ces gestes étaient eux-mêmes des outils créatifs.

Pour expliquer le processus aux enfants qui la questionnent, elle a réalisé un album : Les idées sont de drôles de bestioles (2021), qui a remporté le Grand Prix de l’Illustration à Moulins en 2022.

Elle y a utilisé des métaphores animales qui montrent le côté polymorphe des idées.

Puis elle nous a présenté d’autres albums.

Ainsi, Plume (2012).

Né de l’idée très simple de dessiner des plumes, l’album s’enrichit comme par hasard d’un adorable chat, puis d’oiseaux, et il devient un imagier dans lequel on se promène pour le simple plaisir de la visite. Isabelle a voulu s’amuser à y varier les styles, tantôt dessinant des plumes très

« naturalistes », tantôt des oiseaux complètement stylisés. Elle a animé la balade en faisant se déplacer le chat, au grand plaisir des enfants qui le suivent dans ses détours AU LIEU DE s’intéresser aux sujets principaux. Cet album « participatif » fait beaucoup parler, échanger et sourire.

Ensuite elle nous a montré Heure bleue (2015) :

Elle a choisi d’inscrire le récit dans ce moment si particulier de transition où le jour baisse tandis que la nuit monte. L’idée était de rendre palpable les variations de la lumière et son nuancier de bleus. Des animaux bleus se sont invités : les « grands luisants » qui sont des escargots. Et puis des bêtes fictionnelles parce qu’on est dans le rêve éveillé. Des paysages. Et enfin la lune, magique.

Ensuite elle est passée à Vertige (2020):

Créé pendant le confinement, cet album montre comme il est possible, lorsqu’on ne peut pas aller bien loin, de cheminer dans un univers bien réel mais tout petit et qui est là comme disponible à nos pieds. Un monde bien réel, fascinant, étonnant, parfois inquiétant. L’héroïne est une coccinelle qui se met en quête d’un nid sûr où pondre ses œufs et qui rencontre toutes variétés d’insectes dédaignés ou redoutés : sauterelle, ombonie épineuse, phasme-bâton, araignée-crabe…Isabelle a voulu jouer avec les couleurs et les formes. Et nous en mettre plein la vue.

En 2022, un nouvel album est apparu : Maison,

Dans ce livre écrit à la première personne, elle s’est imaginée dans les projets de 27 animaux qui se construisent des habitats étonnants : un orang-outan, qui se refait un lit de feuilles chaque soir, une mésange couturière qui capitonne son nid douillet, des grenouilles qui secrètent et font monter en neige une écume qui leur sert de cachette secrète, un oiseau-jardinier satiné qui décore de fleurs bleues sa tonnelle, une araignée aquatique qui loge dans une bulle d’air immergée, etc.

Vivant (2024) est un livre où le texte sensible et épuré de Stéphane Servant va très profond dans l’intime.

On y parle des âges de la vie, avec de belles envolées. Isabelle en a tiré des images toutes en longueur comme pour pouvoir creuser. Et au final l’album est d’une forme étonnante et se lit dans tous les sens. Mais la vie n’est-elle pas souvent inattendue et déroutante ?

Extrait : Déjà vivant, je ne suis encore qu’une petite graine de pissenlit, légère et fragile. Comme un chat, je découvre le monde à tâtons. Et un matin, plus tard, beaucoup plus tard, je déploie mes ailes et quitte le nid…

Et pourquoi ne pas faire une promenade onirique avec des animaux disparus depuis longtemps ? C’ possible avec Carnet lointain (2024) :

Quand un album est terminé, tous les croquis préparatoires sont archivés et oubliés, et Isabelle pense que c’est dommage. Aussi a-t-elle voulu créer un livre qui les restitue parce que les esquisses ont la fraîcheur et la spontanéité des choses qui viennent de naître. Cela a donné D’après nature (2019).

Avec Dans les poches (2015), elle a voulu montrer des choses qui aiguisent la curiosité, des objets intrigants qui révèlent la personnalité ou le métier de ceux qui les ont ainsi mis de côté. Et elle n’a pas hésité à les nommer car les mots rares sont des matières vivantes à ne pas négliger.

Son dernier ouvrage de septembre 2025 : c’est l’illustration d’Alice au pays des merveilles (sur le texte original de Lewis Carroll).

Ce travail lui aura pris plus d’un an. Car le texte est complexe et paradoxal. En même temps, il est savoureux et inspirant. Alice incarne l’enfance. Et dans ce miroir, Isabelle a peut-être réalisé son autoportrait.

Curieuse, inventive, enthousiaste, Isabelle Simler a capté son auditoire de lecteurs bénévoles et d’amis de la littérature jeunesse. Nous apprécions des œuvres touchantes de grâce et de respect pour les créatures vivantes. Nous voyons que le travail d’Isabelle sert magnifiquement la grande cause de la défense de la nature à laquelle les enfants sont spontanément attachés. Qu’elle soit ici remerciée pour ce moment de partage dans la rencontre.

Pour notre bibliothèque associative, nous avons acquis

Avec cet album plein d’humour, immense hommage à tous ces héros de notre enfance, on redécouvre les contes les plus célèbres par une porte d’entrée, originale et intime. On joue à deviner le propriétaire de tous ces petits objets. Isabelle Simler déploie toujours une poésie sans limites, et nous fait découvrir les véritables personnalités de nos personnages de contes favoris (notice de l’éditeur).