Retour sur une rencontre avec Emmanuelle HALGAND le 16 janvier 2025

Emmanuelle HALGAND a très rapidement capté l’écoute des adhérents de Lire95 grâce à la clarté et à la pertinence de ses propos. Soucieuse de répondre aussi bien que possible aux besoins des lecteurs bénévoles de Lire et faire lire, elle a axé son exposé sur les éléments utiles de son parcours et de sa technique et elle a dispensé des conseils aux lecteurs bénévoles, en tant que spécialiste de l’image et professionnelle de la médiation.

Elle nous a d’abord exposé son parcours personnel, celui d’une petite fille qui a quitté l’Algérie à l’âge de l’école élémentaire, en emportant avec elle un trésor très personnel, cadeau de sa maîtresse : HULUL, d’Arnold Lobel, qui sera pour la vie son talisman et son catalyseur émotionnel.

Une petite fille qui sera très mal reçue en métropole et devra passer par des épreuves scolaires humiliantes, traumatisantes, heureusement surmontées.

Une jeune fille qui se nourrira de la culture de ses parents basée sur les rapports à la nature et au travail.

Une lycéenne qui ne rencontrera que tardivement  la culture des bibliothèques, des musées, du cinéma, des spectacles.

Une jeune femme qui, grâce à un livre et à toute la science transmise par l’école, deviendra une adepte de la culture et de la transmission.

Une femme qui travaillera dans la médiation culturelle et, après des études d’histoire de l’art,  obtiendra son doctorat (en 2024) sur le thème :  » L’image dans la médiation de l’album jeunesse iconotextuel », thèse qui s’appuie sur l’étude de 500 albums.

Le besoin d’écrire, de transmettre est venu, et en 2015, il s’est concrétisé sous la forme du Voyage des éléphants, publié chez Magellan :

C’est Marc Wiltz, l’éditeur, qui a ensuite confié à Emmanuelle la collection des P’tits Magellan.

Marc Wiltz, qui est venu nous voir le 7 novembre 2019 :

https://lire95.fr/retour-sur-une-rencontre-avec-marc-wiltz-et-francois-xavier-freland-le-7-novembre-2019/

Quelque 30 albums ont suivi. Tous ont été dessinés, mais tous n’ont pas été écrits. La création prend du temps, à raison de 3 ou 4 ouvrages par an.

L’imaginaire s’appuie sur des aspects sombres ou clairs de l’autobiographie : le regret, le manque, l’exclusion, et l’espoir, qui les domine, les transcende par la force de la volonté et de la certitude.

Nous avons demandé à Emmanuelle de nous lire un des textes qu’elle a écrits ; elle a choisi cet album :

Cœurs battants, l’un contre l’autre, roulés-boulés, caresses

Elle a voulu créer une douce musicalité à l’intention des tout-petits d’une crèche. Ses mots sont sélectionnés, expressifs et nobles.

La technique principale d’Emmanuelle HALGAND illustratrice est basée, ce qui surprend souvent, sur l’usage – virtuose – de Photoshop, avec des créations épurées. Des dessins personnels numérisés complètent au besoin.

A la suite, Emmanuelle Halgand a dispensé ses conseils aux lecteurs bénévoles en attirant leur attention sur la nature des images et leur pouvoir émotionnel, qu’elles soient redondantes, disjonctives ou complémentaires.

Toutes font que l’enfant pénètre dans le monde du réel de la fiction et vive une expérience vraie, nécessaire, indispensable.

Emmanuelle conseille de « savoir s’arrêter sur les images, regarder ce qui s’y passe, surtout quand il y a dans l’image un élément complémentaire fort. Il faut prendre le temps sans avoir peur de « perdre » l’écoutant ». 

Elle insiste sur la structure du récit fictionnel, qui repose sur trois temps forts : un démarrage avec un nœud, un problème, une attente, ce qui va générer toute une période d’attente et de rebondissements, puis une période de  résolution.

Emmanuelle montre  l’importance de la couverture d’un album. Avec cet exemple:

Déjà, sous nos yeux, une histoire démarre…

Autre exemple : cette couverture qui ne raconte pas, mais invite, avec son cadrage gros plan et ce regard insistant 

Emmanuelle prête beaucoup d’attention aux couleurs ; elle use par exemple de coloris pastel pour soutenir les paisibles moments du récit, comme elle peut soudain faire exploser la page de couleurs franches qui tapent dans l’œil du lecteur et lui communique leurs vibrations.

Elle conseille au lecteur de s’intéresser au positionnement des personnages dans la double page, et elle nous livre un petit secret de fabrication :

Comme notre œil va de gauche à droite, l’illustrateur situe à gauche ou regardant vers la gauche les personnages en difficulté, tandis que les personnages situés ou regardant à droite sont ceux qui vont dans le sens de la lecture et donc dans la bonne direction.

Ainsi,  dans La lumière de Bouchka : la petite fille est en difficulté ; au début de l’histoire, le profil de celle-ci est orienté à rebours de la lecture ; et par la suite il sera retourné dans le sens de la lecture quand les ennuis de l’héroïne auront cessé.

Le lecteur, sachant tout cela et qu’il peut décortiquer ou non l’album avant de le lire aux enfants, a le choix : soit pratiquer une lecture naïve, pleine d’une émotion partagée avec le ou les enfants et qui emporte les participants côte à côte dans le monde de l’imaginaire ; soit pratiquer une lecture plus experte qui permet de mieux faire valoir le texte et les images tout en se prêtant émotionnellement au jeu.

Dans tous les cas, Emmanuelle Halgand est partisane d’une lecture décomplexée, théâtralisée, enjouée, ouverte aux réactions, aux commentaires, et débouchant sur un dialogue adulte-enfants.

Elle recommande au lecteur-adulte d’avoir près de soi un petit objet médiateur, un petit chat en tissu par exemple, à la fois outil de lecture et présence magique.

Pour conclure, Emmanuelle nous a montré la maison qu’elle a conçue pour l’animation de ses résidences auprès des enfants. Nous irons voir ce qui se trouve sur son site :

https://www.instagram.com/emmanuellehalgand

Passionnée par la littérature jeunesse, généreuse, pédagogue, Emmanuelle Halgand nous a laissé en mémoire l’image d’une personne déterminée, toujours en recherche, et celle d’une alliée du mouvement Lire et faire lire.

Pour  notre bibliothèque associative, nous avons choisi le Chamolivres :

Depuis de nombreuses années, Laila, accompagnée de son chameau Timur, apporte des livres aux enfants des yourtes qui vivent au beau milieu du désert. Cette nuit-là, la tempête se lève…

Nous remercions chaleureusement Emmanuelle Halgand pour son intervention et lui disons à bientôt en d’autres lieux d’échange et de partage.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.