avec le concours de Benoîte VANDESMET pour l’animation de la séance.
Les apprentissages
Florian Pigé nous a parlé avec plaisir de l’Ecole de dessin qui l’a formé en cinq ans et dont il est sorti avec un diplôme d’édition en poche. Il s’agit de l’Ecole Emile Cohl, située à Lyon, où l’on enseigne une multitude de matières, où l’on inculque rigueur et exigence, où l’on oblige à travailler d’arrache-pied. Dans cet univers contraignant, il a trouvé l’espace de liberté et de créativité qui lui était nécessaire. Et maintenant, il y est devenu professeur…
La période numérique
C’est en utilisant les outils numériques que Florian a débuté une carrière d’auteur-illustrateur. C’était sécurisant et en même temps cela satisfaisait un goût personnel.
Ainsi, Florian a montré deux albums écrits par Morgane de CADIER et publiés en 2017 :
- Le secret du loup, qui est la jolie histoire d’un loup mal aimé sauvé par un enfant qui lui apprendra la douceur de vivre.
- Quant à Chut ! c’est la fable de la rencontre entre un personnage ronchon et un oiseau plein d’optimisme : là encore, une leçon de vie.
Florian Pigé nous a dit que Chut ! est, de tous ses livres, celui que les enfants préfèrent, notamment grâce aux nombreuses récurrences de jeux sur le « chut ».
Dans les deux ouvrages, le style des illustrations a été très influencé par le style du canadien Jon KLASSEN, dans la façon par exemple de « silhouetter » les personnages.
Voici une image de Klassen:
Et voici celles de Florian:
Avec ces deux albums, Florian Pigé dit avoir clôturé définitivement sa période numérique.
Puis il nous a parlé de sa trilogie de 2018 : Si petit, si gourmand, Si curieux.
Ce sont les seuls albums qu’il ait réalisés entièrement pour les tout-petits.Ecrits pour la Foire de Bologne et qui n’y ont finalement pas été envoyés. La nouvelle technique, c’était de traiter de grandes plaques de gomme, de les découper au scalpel et de s’en servir comme tampons encreurs.
Ici Florian a réalisé des objectifs qui lui serviront de guides pour la suite : exposer certains rendus de matières, obtenir certaines textures, aboutir à des images simples et épurées.
Il lui fallait en même temps réussir des challenges techniques, comme représenter le chemin de la nourriture vers le bec du perroquet dans Si gourmand :
Dans les contenus, les notions de partage, d’amour de la nature, de curiosité étaient déjà là, et bien sûr les petits lecteurs n’ont pu que souscrire à toutes ces gourmandises.
Le dire de l’intime assumé
Florian Pigé raconte essentiellement sa propre enfance dans ses textes.
A preuve, Bulle d’été, un album « dédié à la douceur de l’ennui et au plaisir de rêver ».
C’est une autobiographie à 100 %. Les anecdotes de l’enfance, il les a transformées en des sortes de courts-métrages et leur compilation ramassée en une seule journée d’été forme l’album. Moments de méditation, de dessins sur le sol, circuits à vélo, à l’écart des adultes et même des autres enfants. Cet ouvrage a requis de nombreuses heures d’élaboration, afin que le rendu du passé soit à la fois très exact et très vivant.
Mais douceur et quiétude ne sont que les premières phases d’une histoire où
le fantastique fait toujours irruption dans le quotidien.
C’est ce qui se révèle dans trois albums récents qui sont des projets purement personnels : Extraordinaire (2021), dédié à l’auteur de Jiumanji, Le Livre de la jungle (2022), et Protéger le blibulle (2023).
Il s’agit toujours de survivre dans un monde condamné, hostile ou post-apocalyptique. Comme sauvegarde , Florian Pigé met en avant des constantes : la contemplation, la poésie et la présence animale.
La singularité est que le fantastique chez Florian Pigé se présente comme la forme floue et nette à la fois d’une image qui nous reste d’un rêve qu’on viendrait juste de faire. Il surgit de soi-même et ne vient pas de l’extérieur. Les bribes des rêves, par exemple des visions de ptérodactyles, ou encore la réminiscence d’un petit robot, habitent donc l’esprit, sont des images « matricielles » et peuvent se concrétiser sous la forme de dessins.
Dès lors, le héros, qui est aussi le dessinateur, est mis face à ses responsabilités ; Il doit se débrouiller seul pour s’en sortir. L’auteur et le dessinateur sont dès lors en phase pour construire une narration, dont le fonds est toujours le même et l’apparence toujours différente.
Medium, matière, lumière
Tandis que Florian Pigé développe ce qu’il appelle ses « marottes » narratives, il entretient soigneusement ses « idées fixes de dessinateur », qui s’imposeront quelle que soit l’histoire.
« Le rendu des matières et le rendu de la lumière » sont les objectifs constants de ce jurassien de la forêt de Chaux.
Aussi, désormais, et peut-être pour renouer avec une pratique de l’enfance, l’usage des crayons de couleur s’est imposé à Florian. Ce sont des outils efficaces et qui produisent une texture particulière. La technique est de superposer des traits de couleur pour réaliser des nuances, des contrastes, des ombres. Le rendu est tellement plaisant et les jeux de couleurs si variés qu’il faut parfois dans l’album ménager des « moments de respiration » avec des pages sans texte.
Pour améliorer ses rendus de lumière, comme par exemple ceux d’un coucher de soleil, Florian étudie les tableaux des grands maîtres, et leurs procédés, comme la tempera. Mais il ne lui suffit pas de restituer de la lumière, encore faut-il la situer dans le moment de la journée où se déroule l’histoire, et mieux encore, la rendre telle qu’elle est depuis l’endroit d’où on la voit, en étant, soit le héros de l’histoire, soit l’illustrateur.
Son prochain livre sera tout entier centré sur la lumière.
Les retours de l’assistance :
Florian Pigé dans son exposé a eu le mérite de la sincérité et celui de faire confiance au public de ses lecteurs avérés et potentiels. Investi par sa propre enfance, il en tire des ressorts puissants qui lui permettent d’avancer et de se renouveler sans trahir son identité profonde marquée par le souvenir, la contemplation, le merveilleux, l’inattendu et la victoire sur l’isolement.
Merci à Florian Pigé de nous avoir fait partager son univers !