RETOUR SUR NOTRE RENCONTRE DU 10 NOVEMBRE 2020
Clémence POLLET est née dans une famille où on lisait des histoires aux enfants le soir. Ses parents ont favorisé son goût inné pour le dessin quand, petite, elle faisait des croquis sur ses carnets de voyage. Plus tard elle a eu la chance de faire de longues études artistiques, sept ans entre l’Ecole Estienne et les Arts décoratifs de STRASBOURG.
Au départ, elle avait des références très classiques, comme celle de Claude PONTI. Et puis, dans le grand Est, elle a appris le monotype et aussi la sérigraphie, qui utilise peu de couleurs mais dont les contraintes rendent les images plus fortes. Dans l’Est, elle a découvert les jeux populaires imprimés du début du XXème siècle, et les animaux sérigraphiés du Bestiaire du Gange, de Rambharos Jha. Et elle s’est laissée inspirer par Romance, de Blexbolex.
Et puis au fil de ses séjours Erasmus en Italie et de ses voyages (Petra…), elle a découvert in situ les maîtres du Trecento et de la Renaissance, comme Fra Angelico, Gozzoli et Giotto, et ressenti une succession de chocs esthétiques, par exemple à la chapelle des Scrovegni de Padoue. Son univers en a été bouleversé.
Il en sortira… Soupe de maman (Rouergue, 2011).
En 2007, elle obtient son diplôme de l’Ecole Estienne avec un travail sur Candide. Au Concours de Bologne de cette même année – où elle présente des images en collage – elle se sent inexplicablement attirée par les planches de l’Encyclopédie et aussi par les illustrations tant de John TENNIEL que de Nicole CLAVELOUX pour Alice au pays des merveilles, modèles qu’elle revisitera plus tard pour Stéphane MICHAKA.
En 2006, au Salon du livre de Montreuil, la découverte de deux albums : Amourons-nous, de Geert DE KOCKERE et Sabren CLEMENT, et Papa se met en quatre, d’Hélène RIFFS, lui insufflent de nouvelles certitudes : « l’album de jeunesse est un terrain de jeu incroyable non seulement pour dessiner, mais pour expérimenter, et par conséquent il est fait pour tous les âges ».
Ses techniques et procédés sont des choix très personnels : ainsi de la gravure en taille-douce sur plaques de cuivre et de zinc, dont elle nous explique amoureusement le procédé ; ainsi de la linogravure, plus laborieuse mais qui lui permet de se jouer des aplats.
Ce procédé, qui semble simpliste, n’a-t-il pas été celui des grands Fauves, Bonnard, Vuillard, Vallotton, Gauguin, et, très pragmatiquement, n’est-il pas adapté pour Clémence POLLET qui confesse ne pas savoir jouer avec la lumière ?
Le premier album sera L’Ebouriffée (texte d’Hélène VIGNAL, prix du premier album, Montreuil 2009) : un inventaire des objets enfouis dans la chevelure d’une petite fille.
Accueillie en résidence à Troyes pour le Salon régional du livre pour la jeunesse 2010, Clémence POLLET y rencontre avec les éditions Hongfei Cultures, ce qui lui inspirera quatre livres : Confucius, Mulan, L’Auberge des ânes et la Langue des oiseaux.
Le travail préparatoire est immense : voyage à Taïwan, étude approfondie des manuscrits illustrés, visites d’expositions et de musées spécialisés.
Pour L’Auberge des ânes, Clémence POLLET s’inspire des illustrations très anciennes de l’épopée de la dynastie des TANG, avec leurs incroyables compositions de couleurs aussi vives que celles des fresques du Quattrocento ! Un rouleau chinois lui inspirera certaines pages de Confucius, qui apparaîtront en accordéon.
L’histoire de Mulan, connue universellement grâce au dessin animé de DISNEY (1998), est une légende médiévale très importante pour les Chinois, qui a été traduite par CHUN-LIANG YEH. HongFei Cultures ayant demandé à Clémence POLLET de réaliser des estampes par linogravure, celle-ci va travailler en tons directs, avec un nombre limité de couleurs, afin de rendre l’illustration plus efficace du fait même de l’économie des moyens, sans contradiction avec la complexité des contenus.
Quel contraste avec Le maître des neiges, tiré d’un conte bouddhiste, (novembre 2020 – texte d’Isabelle GARCIA-CHOPIN) ! Des illustrations au pinceau, une explosion de couleurs, un nouveau départ peut-être.
Un autre signe de l’attachement à l’Extrême-Orient est un conte chinois sur le thème des « bons amis » : Croc Croc la carotte (texte de Fang YIQUN et Véronique MASSENOT).
Ce dernier album marque l’intérêt récurrent de Clémence POLLET pour la figure animale ( dérivée peut-être de sa dilection très personnelle pour le lapin…). Ainsi peut-on remarquer la présence constante d’une fourmi dans La Traversée, tandis qu’ Animal Totem (texte d’Agnès Domergue) propose des portraits d’animaux symboliques au prix d’une distorsion des systèmes écriture/image qui fonctionnent en pratique à la fois ensemble et séparément.
Les héroïnes contemporaines, des petites filles en l’occurrence, sont également un thème important. Elles apparaissent dans des albums comme Dans mon petit jardin (texte de Lena MAJOR), dans La Tresse (roman de Laetitia Colombani), et dans le livre que Clémence POLLET signale à notre attention parce qu’il est l’un de ses préférés : La Nuit parfois je rêve (texte de Stéphanie DEMASSE-POTTIER), où l’illustratrice a condensé l’imaginaire d’une petite fille dans ses rêves les plus farfelus.
Autres figures importantes, celles de l’acrobate et des gens du cirque.
Récemment, Clémence POLLET est retournée au Salon de Troyes dont elle a créé l’affiche 2021.
Au total, ce sont déjà trente livres que Clémence POLLET a déjà réalisés sur commandes d’éditeurs. Toujours illustratrice et jamais autrice, elle nous dit aimer les mots des autres. Et ainsi fait-elle de son mieux, au moyen d’un travail de préparation approfondi, pour que des images pertinentes les accompagnent.
C’est un vrai plaisir, voire une grâce, d’illustrer Voltaire, Gabriel Garcia Marquez, Albert Cohen… d’illustrer toutes sortes de contes et légendes, par exemple des contes détournés comme Le Petit chaperon bleu (texte de Guia Risari) ou Loup un jour (texte de Céline Claire).
En 2020, pendant le Premier confinement, elle a beaucoup revisité les vases grecs, les bas-reliefs médiévaux et les représentations 1900 pour pouvoir créer des illustrations de héros grecs.
Pour plus tard, des projets ont germé. Tac Tic mécanique, une exposition interactive, mènera à un roman graphique.
Les recommandations de Clémence POLLET :
A lire :
- L’Homme à la fourrure, d’Anne SIMON et Catherine SAUVAT
- Nos vacances, de Bernard GRANGER, alias BLEXBOLEX
- Building Stories, de Chris WARE
A connaître, des illustratrices :
- Annabel BUXTON (Pop-up Lune, On danse)
- Sandrine THOMMEN (Choses petites et merveilleuses)
De notre Rencontre avec Clémence POLLET, nous garderons les mots suivants :
sensibilité culture curiosité attention aux autres
émerveillements italiens fascination pour l’Orient
goût pour la matière et les couleurs passion pour les techniques