Mois : août 2025

Retour sur une rencontre avec les éditions CEPAGES le 13 mars 2025

C’est avec clarté et une belle détermination que Bénédicte Petitot, assistée de sa collaboratrice Léa Gerst, nous a présenté la maison d’éditions indépendante qu’elle a créée en 2012 à Paris, rue Mouffetard, et qu’elle dirige depuis.

Littéraire de formation, et plutôt portée sur le théâtre, Bénédicte s’est d’abord mise en quête de livres destinés à l’éducation de ses propres enfants ; puis elle s’est prise de passion pour la littérature jeunesse au point de vouloir en faire un métier. Une fois, sous le nom de Bénédicte Prats, elle a écrit un album, Le dessin de Tamana, illustré par Bertrand Dubois (notre invité en 2022 ). Par ailleurs, elle écrit des chansons, des comptines ou des contes.

L’indépendance est un défi : c’est faire ses propres choix éditoriaux : éditer des albums originaux, esthétiques, qui donnent envie du beau, du vrai, du poétique et qui transmettent le respect des autres, de la différence et de la nature. Editer, c’est faire vivre un catalogue (une soixantaine de titres à ce jour), c’est rechercher et lancer des jeunes talents : 50% du catalogue sont des premiers albums d’écrivains ou d’artistes. D’où ce souffle frais qui parcourt tous les titres.

Ce sont des engagements : ses ouvrages sont fabriqués en France à 85 %, le reste en Europe. Les techniques de fabrication sont le plus souvent traditionnelles, parfois mixtes. Les illustrateurs travaillent à la main pour leurs dessins, leurs collages, leurs peintures.

Il y a aussi chez Cépages une volonté de mettre en avant des cultures moins connues (celles de la Mauritanie, du Guatemala, de l’Afghanistan… Et d’ailleurs, de plus en plus, Cépages évolue de la fiction vers le documentaire, par exemple en intégrant des capsules informatives.

Circulons donc dans les cinq collections exposées

La collection Vert d’o :

Autrice : Catherine Laurent, une écrivaine qui a vécu 20 ans en Nouvelle-Calédonie,

Illustratrice : Bénédicte Nemo, diplômée des Arts décoratifs de Paris, née à Dakar.

Ces 7 titres pour les tout-petits ont pour vocation de  sensibiliser à la nature,  à sa protection et notamment à celle des espèces menacées.

En voici 3 exemples :

La collection Tendres feuilles, en 6 titres :

Destinée à des enfants un peu plus grands, elle se veut toute en douceur, avec ses aquarelles légères et subtiles, qui se détachent à peine d’un blanc lumineux ; avec ses collages qui occupent l’œil et la main.

Car il faut embarquer le lecteur avec prudence et délicatesse dans des albums dont les thèmes sont sensibles et parfois même épineux. 

Ainsi,   Près de mon cœur traite du cycle de la vie et ose le parallèle entre l’histoire d’une forêt et la vie d’un homme. Cœur d’artichaut parle de l’éveil des sentiments amoureux. Chrysalide met le doigt sur la troublante magie de la naissance.

Célestin, à coups de traits humoristiques, guide l’enfant vers l’acceptation des personnes dites différentes, parfois autistes. Petit radeau ouvre à la question de la solitude et des liens qui sont nécessaires pour vivre. Vieux Jules (Prix Chronos 2021 mention France-Alzheimer) favorise l’acceptation de la maladie dégénérative.

Les approches sont systématiquement métaphoriques, poétiques, enveloppantes. Elles fournissent aux lecteurs adultes, dans un contexte de lecture transgénérationnelle, des occasions d’ouvrir le dialogue sur des sujets essentiels et difficiles.

           La Collection Racines du monde, en 5 titres :

Destinée au plus de 6 ans, ces albums sont tous inspirés d’histoires vraies et illustrés par de bons connaisseurs des régions concernées. Ils sont touchants d’authenticité. Guatemala, Mauritanie, Tibet, Afghanistan : mêmes combats pour l’instruction, l’autonomie, la liberté.

           La Collection Racines du monde, en 5 titres :

Destinée au plus de 6 ans, ces albums sont tous inspirés d’histoires vraies et illustrés par de bons connaisseurs des régions concernées. Ils sont touchants d’authenticité. Guatemala, Mauritanie, Tibet, Afghanistan : mêmes combats pour l’instruction, l’autonomie, la liberté.

La collection Mes Docs:

Cette collection débutante ne contient qu’un seul titre :

Il peut être lu dès 7 ans, puis à tout âge…

L’idée est de sensibiliser aux thèmes grâce à un contenu de haut niveau artistique et culturel et grâce à des mises en pages ajustées; ici l’album construit à la verticale est découpé à bords francs pour évoquer la matérialité des constructions réelles.

Après Les Tours  viendront Les Murs

Bénédicte et Léa nous ont ensuite présenté leurs  coups de cœur :

Thèmes percutants, illustrations magistrales, c’est le secret de ces albums qui traitent souvent des rapports tissés au sein de la famille.

Les pieds sous la table,

C’est tout un pan de la vie familiale qui s’ouvre à hauteur d’enfants, les univers parallèles des adultes et des enfants, les conflits des grands et comment on fait pour s’en échapper par les rêves.

Chez Nonna,

Un vrai cauchemar au début puisque l’enfant est écrasé dans la presse à graver de sa grand-mère ! Heureusement cela vire à la félicité avec une réconciliation, porteuse d’un avenir serein.

Le grand Orchestre,

est un album de Marion Traoré, une autrice-illustratrice qui vit à Bobo-Dioulasso et travaille à partir de papiers découpés. C’est l’histoire merveilleuse d’une petite fille qui réussit à vaincre sa solitude grâce aux conseils de sa grand-mère et aux instruments de musique africains qui sont les vecteurs des éléments naturels. Album sélectionné en 2025  pour le prix des P’tits loups (de l’Essonne).

Dans tes bras,

de Marion Traoré aussi,

fait la part belle aux précieuses rêveries de tendresse  qui font glisser dans l’ensommeillement.

Paratou, un parapluie en brousse, et, Konoba, le cerf-volant :

invitent les enfants au respect des objets et à l’intérêt de les réparer. Au-delà ces albums racontent que « les objets inanimés  ont une âme ».

Il y a aussi Emile et Félix et Monsieur Chat :

albums dans lequel Stéphanie Demasse-Pottier parle de l’adoption et du souci du paraître, un thème rarement abordé.

Les titres-phares des éditions Cépages :

Bénédicte nous a cité :

Rouge Feuille  (Prix Graines de lecteurs 2018), sur le thème de l’amitié, dont le travail graphique est un des plus soignés et qui est un mix de vraies feuilles, d’aquarelles et de dessins.

Il y a aussi Le bleu du ciel, de Maylis Daufresne et Teresa Arroyo,

qui raconte comment une petite fille, conversant avec les éléments naturels, le ciel, la mer, le vent, le soleil, l’arbre, la nuit, finit par se trouver une place dans le monde. Un album qui a été sélectionné parmi les 100 plus beaux à Bologne en 2023.

Superbe aussi, Voltige (2022)

qui traite, métaphoriquement, du drame des migrants mal accueillis.

Très soigné et agréable à voir, dans la lignée des albums de Béatrix Potter (Pierre Lapin, 1902 ; Jeannot Lapin, 1904), Le cadeau d’Hugo (2018) est un joli univers où les images entrainent comme dans un film.

Maryam et Maroussia (2020), sur un texte de la romancière Anne Marie Desplat-Duc (série Les Colombes du Roi-Soleil), parle d’écologie et de solidarité tout autour de la Terre.

La peintre Elsa Oriol, à la brosse et au couteau, a illustré

Je ne t’abandonnerai jamais (2022) ,

un album très touchant qui parle de peur, de sentiment d’abandon et aussi de la force vive des arbres salvateurs.

Et dans les Nouveautés:

La Disparition (2023)

un cherche-et-trouve qui emmène les enfants à la recherche d’animaux perdus dans une jungle malmenée. Claire Hannicq, une plasticienne, réalise ici son premier album jeunesse, dessiné à l’aide de seulement 3 crayons de couleurs.

Partout au bout du monde   (2024)

est aussi le premier album d’une autrice-illustratrice sur le thème de l’effort en commun, « Partout » étant l’ordre donné aux rameurs pour lancer le bateau. Ici aussi, quel beau travail à la main !

A paraître au printemps 2025:

L’enterrement de Papigène,

ou comment conjurer la mort des êtres chers, peut-être en découvrant quelle a été leur vie et « y prenant de la graine ».

La rivière qui chante,

évoquera les jeux de l’enfance, l’éveil des sens, la fraîcheur et la poésie de ces moments ineffables.

Cette présentation et les nombreux échanges qui ont suivi avec les adhérents nous ont donné l’image d’une éditrice volontaire, enthousiaste et habitée par un sens des responsabilités vis-à-vis des jeunes lecteurs, des médiateurs qui font vivre ces albums et des jeunes talents auxquels elle fait appel. Nous remercions vivement Bénédice Petitot pour son exposé et les conseils avisés qu’elle nous a, en filigrane, dispensés. Merci également à Léa Gerst. Avec de tels albums, les lecteurs et les parents ont de quoi faire s’ancrer l’amour de la lecture dans la tête des jeunes enfants.

Pour notre bibliothèque associative, nous avons acquis L’ile des Rouges

Auteur : Olivier Dupin

Illustratrice : Marjorie Beal

Monsieur Paul part en vacances. Destination : l’île des Rouges ! Mais quel drôle d’endroit ! Les habitants n’ont pas le droit de faire ci, pas le droit de faire ça…

pourquoi toutes ces règles étranges ?

Retour sur une rencontre avec Chloé du COLOMBIER le 16 février 2025

Des éléments biographiques que Chloé nous a dévoilés, Il y a bien sûr sa carrière antérieure de graphiste free-lance, qui lui a donné une vraie maîtrise des outils professionnels et des contraintes éditoriales.

Mais on retiendra aussi l’évocation de ses ascendants impliqués dans les sciences de la vie : le grand-père médecin passionné par la faune entomologique et la phytothérapie, la grand-mère professeure de biologie, l’oncle chercheur en agronomie. Tous aimaient la science, le jeu et la poésie, et c’est par ces trois entrées que Chloé a voulu développer son exposé. L’approche ludique lui vient de son père, et l’angle poétique, voire mystique, de sa mère.

Trois entrées que nous pouvons retrouver sur son portfolio en ligne : https://www.chloeducolombier.fr/

La science, ou du moins le vivant, s’invitent en effet toujours dans ses créations : c’est un émerveillement perpétuel, et elle l’a bien transcrit dans ses collections Eveil nature et A l’abri (Ed. Ricochet).

Elle aime par-dessus tout le lien avec les végétaux,

Après avoir assuré la conception graphique de 2 collections de livres d’art jeunesse de Marie Sellier – notre invitée en 2013 – elle a utilisé cette même compétence dans sa collection de livres-objets A l’abri des arbres.

En parallèle elle a cité comme remarquable l’album Cerisier,  d’Amandine Laprun :

Bien sûr, elle adore aussi les animaux, surtout les petits, les phasmes, les papillons, les fourmis, les coccinelles… Avant de les dessiner, elle se documente précisément sur eux, s’immerge dans leur existence, scrute leurs désirs, leurs défis, leur amour obstiné de la vie.

Ses couvertures sont  jolies, poétiques,

Mais Chloé a une prédilection pour les détails réalistes, tels que pattes de sauterelles, moustiques, dégustations de miellat… tous détails qui, selon l’éditeur, ne s’insèrent pas forcément très bien dans une couverture. Alors Chloé les intègre à l’intérieur de l’album ou en 4ème de couverture.

Car elle pense que l’enfant a intérêt à être confronté au réel ; le tout-petit n’a pas besoin d’être « protégé » contre le dur, le rugueux, on peut lui faire toucher une écorce, une pomme de pin, un objet râpeux. Son idée est que la littérature jeunesse, si elle doit être précautionneuse vis-à-vis des jeunes lecteurs, ne doit pas  maquiller la réalité ni s’en abstraire.

Cette affection pour le réel ne l’empêche pas d’inventer une nature purement rêvée.

Voici l’exemple d’une conception de couverture :

Quand elle a commencé à imaginer celle des « P’tits escargots », elle s’est d’abord immergée dans sa propre sensorialité, pour faire émerger ses propres ressentis ; elle a pensé fortement à la pluie, à un potager, à la terre mouillée, à un garçon qui va à la chasse aux escargots. Elle a voulu montrer cet enfant en couverture. Mais cette initiative a été retoquée par l’éditrice. Le projet de Chloé a donc évolué : de l’idée d’un escargot dévoreur de chou, elle est passée à l’idée des garçons qui naissent dans les choux, puis à celle des filles qui naissent dans les roses, puis à celle des escargots qui sont hermaphrodites et enfin s’est dessiné un escargot qui promène son bébé sur son dos.

Les dessins préparatoires, les crayonnés, ce que Chloé nomme les « dessins d’idées », sont la phase solitaire. La suite se fait en équipe avec l’autrice et l’éditrice, dans le cadre d’une forte collaboration et d’un élan commun.

Le jeu, l’invention, la découverte, la sensorialité sont des tremplins vers l’imaginaire.

La lecture à l’enfant comme celle de l’enfant lui-même doivent s’inscrire, selon elle, dans un contexte de jeu. Car celui-ci est un outil efficace pour la transmission et il fait de ces lectures des moments précieux et structurants. « Le jeu crée des ponts entre le réel et l’imaginaire ».

On peut s’amuser de tant de choses :  des expériences des coccinelles,

des métamorphoses des chenilles et papillons,

et même des relations entre les prédateurs et leurs proies !

(Le P’tit Océan)

Dans les albums, l’enfant retrouve son vécu et imagine son avenir. Le livre est la maison idéale où l’on peut tout vivre à l’abri, passé, présent, avenir.

Au médiateur-lecteur de pousser l’avantage en créant pour la séance une atmosphère spéciale, par exemple en faisant écouter en arrière-plan des chants d’oiseaux ou des bruits de la nature. Chloé a même utilisé la musique de Saint-Saens pour mettre l’ambiance autour du P’tit Océan:

Les loisirs créatifs sont un univers qui lui plait ; ainsi a-t-elle créé chez Poppik des vignettes en gommettes repositionnables pour les tout-petits.

Pour la revue suisse Salamandre, elle a créé ce cherche-et-trouve :

Avec Elisabeth Brami ( notre invitée en 2012 ) , elle a inventé un imagier de mots à mimer :

Pour la série des Contes à déplier, elle a illustré Hansel et Gretel. Elle s’est amusée à y introduire plein de ces éléments drôles qui cartonnent chez les enfants : escargot à tête de mort, petites araignées rouges, lapins bleus et roses, millepertuis (plante qui soigne la dépression….). Pour illustrer un tel conte, elle a choisi la carte de l’humour, qui permet à l’enfant de prendre du recul et de s’immerger bien protégé dans une aventure passablement cauchemardesque.

Du jeu à la poésie, il n’y a que l’espace d’un clin d’œil.

Pour Chloé, la poésie est nécessaire  et elle constate un regain poétique dans la période actuelle.

Pour faire rêver, on peut jouer sur les couleurs de la nature, comme dans ce recueil, illustré à la gouache, dont les cinq contes se déroulent dans des continents différents :

(Ici la Bulgarie pour le continent Europe)

En résidence, on peut créer des ateliers d’illustration sur le thème « A quoi rêvent les plantes ? » On peut faire fabriquer aux enfants des colliers de protection faits d’images enfilées.

On peut recueillir les expressions poétiques qui sortent inopinément de la bouche des enfants. Comme celle-ci, à la suite d’une explication sur les graines qui s’envolent pour aller germer tout autour de la Terre :

Merci, le vent ! 

On peut consigner les ressentis racontés des très jeunes enfants, ces éléments matriciels fondateurs des personnalités futures et dont le souvenir sera précieux pour les parents.

Faire éclore la poésie au quotidien, c’est une entreprise qui va bien à Chloé du Colombier. Cela procure des impulsions, de l’entrain, une joie de vivre.

https://www.instagram.com/chloeducolombier/reel/DDfGWRhiPQG/?hl=fr

Pour conclure,

Chloé a signalé son dernier album, créé avec Emmanuelle Grundmann, biologiste et naturaliste :

Que ce soit pour se protéger du danger ou pour préparer un précieux cocon et accueillir leurs petits, les animaux sont d’incroyables architectes! (Note de l’éditeur Ricochet)

Puis elle a évoqué les merveilleux bijoux-étuis d’Hubert Duprat, créés grâce au travail remarquable des larves de trichoptères…

Avant de s’écarter pour les dédicaces, elle a voulu remercier tous les lecteurs de Lire et faire lire, et elle a cité l’anthropologue Michèle Petit :

« Le passeur par son enthousiasme, son regard ou ses gestes rend le livre vivant ; il sait que le contact avec le texte ne passe pas que par l’intellect mais aussi par les émotions et les sens. » 

Enthousiaste, passionnée, à l’écoute de la nature et de tout ce qui est naturel, Chloé du Colombier nous aura bien fait comprendre l’intérêt de son projet profond, qui est fait d’expérimentation, de transmission, de sensibilisation, et qui a pour finalité de contribuer à protéger le vivant qui est autour de nous et, plus que partout, dans les jeunes cerveaux. Nous la remercions pour sa communication et pour les échanges fructueux qu’elle a engendrés.

L’album que nous avons acquis pour notre bibliothèque associative est Hansel et Gretel.

Un livre-objet avec cinq doubles-pages qui s’ouvrent par le haut pour s’immerger pleinement dans l’histoire.

Hansel et Gretel cherchaient leur chemin, lorsqu’ils tombèrent sur une drôle de maison en pain d’épices…   Dépliez les pages pour plonger au coeur du conte et découvrir la suite de l’histoire, tout en rebondissements et surprises!
« Suivez Hansel et Gretel dans la forêt enchantée, découvrez la maison en pain d’épice et rencontrez la terrible sorcière…


Titre recommandé par l’Éducation nationale pour le cycle 2 de l’école primaire